La notion d’empreinte qui intéresse Yann Delacour est celle du « frottement entre le regard et l’oeuvre », ce qui se passe entre le regard et le sujet regardé.
Qu’est-ce que l’artiste nous donne donc à voir ? Une première série de six images intitulées « sans titre » qui toutes semblent avoir pour sujet des vivariums. Dans ceux-ci nulle trace d’animaux, mais une nature qui semble sauvage et qui pourtant est construite comme l’est le caisson de verre qui la contient. Espace construit du contenant, reconstruit du contenu. L’artiste affirme « qu’il s’agit d’images d’un lieu originel perdu, tels des lointains souvenirs. Elles ne sont pas des images du passé. Elles sont de vraies architectures du souvenir présent ». Le regard est interpellé, l’image devient constitutive d’autres images, les références abondent, le va et vient entre l’image offerte et notre regard s’instaure, voici l’empreinte aux yeux de Delacour. Le sujet est posé devant nos yeux, à bonne hauteur, et il nous permet d’avoir la distance nécessaire à l’instauration de notre regard.
Ce qui n’est pas le cas de la deuxième série de photographies présentée, des traces de pneus dans la terre. L’image retenue par l’artiste est celle qu’aurait enregistrée un flâneur, en rase campagne, regardant devant ses pieds le spectacle que lui offre le sol détrempé. Des empreintes de pneus accidentent le terrain et de petites flaques d’eau, sorte d’ectoplasmes dans l’image, apparaissent et reflètent les branches des arbres, l’envers, le dessus. De ce relief positif et négatif, de cet écrasement et donc de cette forme de perte naît pour Yann Delacour le souvenir.
Ces séries photographiques sont présentées sur deux étages séparés par un escalier dont l’une des marches est rehaussée pour accueillir un projecteur vidéo. Comme intégrée à l’architecture du lieu, l’installation dévoile un court film de 6 seconde qui représente une main « réaliste » sculptée et écrasé par le marteau que tient la main de l’artiste. Interrogation de la notion de savoir faire qui est reprise, à l’étage, dans la sculpture des « Fragiles ». Les traces de l’artiste ici disparaissent pour laisser place à une sorte de produit industriel du type des flo-pak - ces petits éléments de calage en polystyrène qui absorbent les chocs et comblent les vides. Disposés de manière ordonnée, ces corps « fragiles » intéressent surtout par la tension créée par leur matière et par leur forme. Ces « Fragiles » semblent à la fois durs et mous, gonflés et lacérés. De cette tension naît l’évocation d’images, l’établissement d’une empreinte.
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