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Voir & Regarder l’ART

Photographies de Nicolas Guilbert

Voir et regarder l'ART
Voir et regarder l’ART
Les photographies de Nicolas Guilbert nous montrent des visiteurs dans des musées, dans des galeries d’art ou ailleurs. Il prend pour motif notre relation à l’art comme une pulsion scopique boulimique propre à notre temps. Regarder l’art est devenu un impératif culturel. Ces images présentées par Cécile Guilbert sont accompagnées de textes de Philippe Comar, qui commente avec brio la manière dont l’art nous apparaît aujourd’hui. Le travail photographique au long cours de Nicolas Guilbert suscite la réflexion, à la fois au sens propre : une vision au second degré, et au sens figuré : un travail de pensée qui se doit d’accompagner ce regard photographique tout à la fois pertinent et impertinent.

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La distinction entre “Voir” et “Regarder” est présente d’abord dans le propos général du livre : avec ses photographies, Nicolas Guilbert nous permet de voir des gens qui regardent l’art. Tous regardent-ils vraiment ce qu’ils voient ? Ces personnes ne sont pas des modèles prenant la pose, elles sont saisies sur le vif. C’est donc un essai qui, documentant une manière de regarder, témoigne d’un culte de l’art qui est devenu prépondérant dans les musées, les galeries d’art et même ailleurs (art de la rue ou street art, boutiques). Le propre de notre société du spectacle est de nous transformer en regardeurs mais il existe diverses formes du regard sur l’art suscité par ce nouvel impératif culturel. Dans ce livre, beaucoup des clichés font de l’acte de regarder l’objet d’un regard au second degree et d’images produites pour pouvoir être communiquées à autrui. Il nous invite à regarder les spectateurs devant l’art, et ainsi à voir combien cette pulsion scopique collective est le propre de l’art de l’âge démocratique.

L’impératif photographique

Le dessin a longtemps été l’unique façon de capturer le visible ; mais depuis l’invention de la photographie, l’acte photographique manifeste encore plus cette emprise du regard sur le visible. Le paradoxe est que le public qui se presse pour regarder l’art le fait surtoutpour aller voir des oeuvres qu’il a déjà découvertes en reproduction photographique : ainsi, La Joconde au Louvre reste une vedette incontournable qui attire tous les regards. On constate “l’increvable caractère iconique de Joconde”, note Cécile Gulbert. Elle se multiplie : dessinée à la craie sur un trottoir, peinte sur un mur, arborée en décoration sur des objets… Regarder l’art cesse alors d’être une activité solitaire, une contemplation esthétique personnelle Cela participe d’un rituel collectif. On peut voir comment la relation entre le fait de voir et les arts visuels est devenue un phénomène de masse. La transformation de l’art en culture ne fait-elle pas perdre aux oeuvres leur valeur intrinsèque en les transformant en lieux communs ? Aller voir la Joconde au Louvre est devenu un pélerinage et aller voir des oeuvres d’art en général ne relève plus d’une quête individuelle d’esthète.

En photographiant les manifestations de ce culte de l’art, Nicolas Guilbert montre le vis-à-vis des corps des regardeurs et des statues ou des portraits de groupe dans l’art classique, mais aussi des oeuvres d’art moderne (comme L’Homme qui marche de Giacometti) ou des installations parfois loufoques de l’art contemporain qui suscitent des regards perplexes. Les autres regardeurs nous empêchent de regarder exclusivement l’art, donc nous nous efforçons de les oublier. Cependant, ils peuvent parfois apparaître comme des objets encore plus fascinants que les tableaux : cela arriva un jour à Alberto Giacometti, comme le rappelle Cécile Guilbert dans sa préface.

Lieux publics, passions privées

Philippe Comar note que, en prenant la suite des “nefs obscures” qu’étaient les églises ou les salles des palais, l’espace muséal isole l’art dans un “white cube” facilitant la déambulation pour que les oeuvres d’art offertes aux regards se séparent de son public ; on parle d’ailleurs aujourd’hui des publics divers. Le livre documente la mondanité des foires et des vernissages avec ses “stars d’un jour” comme le prédisait Andy Warhol aussi bien que la banalité de l’art quand il s’affiche dans le métro parisien. Il montre que les musées attirent tous les publics des adultes et des enfants, des copistes à l’ancienne comme des gens qui photographient les tableaux, des étudiants écoutant un historien d’art, des professionnels : les équipes techniques qui transportent des oeuvres ou des gardiens contraints à l’immobilité. Et on voit même une artiste (Agnès Varda) qui en filme un autre (Christian Boltanski)

L’ironie souvent présente dans la manière de montrer les relations diverses à l’art comme un objet en soi nous permet d’imaginer ce que d’autres peuvent voir, ou peut-être pas. Et le regard de Nicolas Guilbert témoigne toujours de sa propre passion infatigable pour l’art. Elle lui donne l’occasion de saisir des rencontrres, de les surpendre et de les susprendre. Cet apercu, pourtant fort copieux, ne nous donne qu’un échantillon d’un projet en cours sur le long terme.

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++INFO++

Voir & Regarder l’ART éditions Herscher 2021

Photographies de Nicolas Guilbert Préface de Cécile Guilbert et textes de Philippe Comar

ISBN : 978-2-7335-0417-8 29 euros

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