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Urban ping pong

centre d’art contemporain d’Ivry, Galerie Fernand Léger :

Urban Ping Pong
Urban Ping Pong
« L’art dans la ville » au centre d’art d’Ivry, cette exposition s’inscrit dans l’histoire de l’art d’Ivry dont l’intérêt pour l’art urbain se manifeste depuis des décennies par la présence de nombreuses sculptures dans la ville et l’attribution régulière de bourses pour la réalisation de sculpture monumentale. Toutefois cette exposition veut renouveler la perception traditionnelle de l’art urbain en présentant des actions aussi éphémères que discrètes d’une part, en proposant des projets d’œuvres à lire et imaginer voire à exécuter sur la base de prescriptions, de descriptifs fournis aux visiteurs d’autre part. Urban ping pong n’est pas une action urbaine mais une exposition à deux temps, qui fait entrer la ville dans le centre d’une part, qui propose des actions pour en sortir d’autre part.

Deux artistes ont été invités à présenter et à réaliser des œuvres in situ, soit qu’elles documentent des actions passées soit qu’elles aient été conçues pour le centre d’art. Dans tous les cas, la ville est convoquée. Une série de photographies de Didier Courbot, qu’il considère comme des œuvres, témoigne par des actions minuscules des soins qu’il témoigne à la ville (repeindre un morceau de trottoir, suspendre une jardinière à un lampadaire, cultiver un jardin sur une très petite parcelle de terre-plein gazonné). Ces gestes relèvent du ravaudage. La disproportion des échelles entre les aménagements urbains et le souci domestique rendent ces actes vains, incongrus et grandioses à la fois. Puis de l’intime, du policé il passe au brut de décoffrage dans un autre projet « Scénario pour un jardin public ». En effet il va chercher dans un chantier les éléments de préfiguration d’un jardin. A partir des notes, des photos, de vidéos prises au cours d’un chantier, il enregistre et réutilise la position des matériaux, des machines, des cabanons, leur relation souvent assez chaotique comme sources d’agencement d’un jardin public : où « un empilement de parpaings est alors devenu un banc, une flaque un massif d’arbustes, un pot de peinture un arbre, une trace de pneu un alignement de fleurs ».

Eric Hattan a lui aussi ramené la ville dans le centre d’art mais par le biais du cinéma : décor et film. L’artiste a construit de bric et de broc une sorte de dalle, de dessous laquelle émane des sons, une « balade », la balade d’une boîte de conserve qui roule sur le pavé. Cette ritournelle donne le ton, c’est elle qui soutient les panneaux de bois et d’isorel grossièrement ajointés qui couvrent le sol pentu de la salle en le nivelant à son niveau le plus haut. Sur la source sonore, un moniteur, s’appuie en effet le plancher-estrade qui ne dissimule pas ses étais. L’un d’eux, une vidéo intitulée « Hommage to Hammons/Merda d’artista » présente en boucle ce son bien familier des villes issu de la rencontre d’une boite de conserve et du macadam, enregistré de nuit quand le bruit résonne avec la solitude du shooteur. Complétant l’évocation de l’univers urbain et celle des films de Hammons, un lampadaire urbain introduit par l’escalier de secours est couché sur le sol ; sa présence surenchérit sur l’ambiance fictive du tournage ; mais ambiance un peu « déglingue », dans la veine de Hammons. Cette esthétique, teintée d’humour se retrouve aussi dans la série de portraits d’électroménagers blancs abandonnés sur les trottoirs qu’Eric Hattan photographie depuis une décennie.

Un troisième mode de lier l’art et la ville, celui-ci très conceptuel, consiste en énoncés : instructions, protocoles, modes d’emploi, règles de jeu libellés sur des feuilles A4 à l’attention du public – invité à réactiver les consignes de son choix et comme il entend. Les feuilles, posées sur des étagères réalisées par des architectes Avignon-Clouet, sont à prendre et à réunir dans des boîtes transparentes conçues et offertes à cet effet. Cette exposition, intitulée « Tool box », est proposée par l’association « Entre eux » engagée depuis 1996 dans l’art public et qui a elle-même sollicité la participation de deux commissaires, Ruby et Mollet-Vieville, dont on reconnait la marque dans le choix de certains protocoles et certificats d’authenticité rédigés par Lawrence Wiener ou Sol LeWitt. En effet les 84 artistes dont les libelles sont présentés ici appartiennent à plusieurs générations, depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit donc bien d’une collection couvrant une quarantaine d’années qui est mise à la disposition des visiteurs. S’agit il de rendre hommage à l’art conceptuel ou de prouver la vitalité de l’art conceptuel, repris par de jeunes artistes (Antoine Moreau, Damien Beguet, Nicolas Ledoux, Fabien Leroux Marylène Negro, Eric Vatier...) qui eux-mêmes « réactivent » les « events », les jeux de langage, les boîtes à outils linguistiques qui étaient si prisés dans les années 60/70 chez les artistes et philosophes du langage ?

Parmi les instructions imprimées certaines préconisent des actions dans la ville, les rues, les lieux publics, sur les murs, sur les panneaux d’affichage, beaucoup ne mentionnant aucun site prescrivent des gestes, des attitudes, des services, des pensées qui peuvent se limiter à la seule lecture de l’énoncé communiqué, d’autres encore proposent de reproduire des œuvres existantes dont celles présentes dans le centre. « Tool box » réaffirme un intérêt pour l’œuvre en tant que production conceptuelle, en tant que diffusion, en tant qu’échange. A côté des actions urbaines in situ, collectives, temporaires, éphémères des premières salles, les œuvres présentées dans « Tool box » mettent à la disposition du public des outils conceptuels et ouvrent un espace commun réel ou mental de production. Produire ou re-produire sont des actions artistiques, les copies et originales sont identiques, la plupart des œuvres sont libres de droits – sinon de devoirs (stipulés), leurs réactivations ne sont pas limitées en nombre (sauf volonté exprimée), l’enjeu de la propriété est dépassée par ceux conjugués de l’échange, du partage et de la créativité. Utopie qu’Internet et la Licence libre ont fait passer dans la réalité. Aussi « Tool box » est une collection d’œuvres qui, au-delà de la ville, produisent d’autres espaces communs de pensée, et de création.

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