Un essai de Marion Grébert sur Francesca Woodman et Vivian Maier
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« Tu ne peux pas me voir de là d’où je me regarde. » Francesca Woodman
« La photographie féminine d’autoportrait serait la pratique et la figuration de ce qu’Orphée a cherché à voir en se retournant. Ce serait Eurydice se photographiant aux Enfers ».
Une Eurydice pour qui l’art deviendrait le moyen de se donner une parole, une image, toujours suspendue entre apparition et disparition, un signe depuis le silence qui l’entoure, depuis l’au-delà de la visibilité.
Emily Dickinson est sans doute, quoique n’ayant laissé presque aucune photographie d’elle, le troisième fantôme mythique qui hante le texte de Marion Grébert. Cette hypothèse, outre sa dimension historique ou rationnelle, déploie d’emblée un univers esthétique, celui de son autrice, écrivaine et artiste, qui laisse éclater les sonorités mélodieuses de sa langue aux prémices de son texte.
« Il y a des fantômes pour autant qu’il y a des souvenirs. Un monde sans hantise serait un monde sans mémoire. L’amnésie procurerait le repos, parce qu’elle mettrait fin aux nuits sans sommeil. Pourtant quelqu’un quelque part souffrirait du sentiment de ne pouvoir se rappeler un certain visage. Celui-là inventerait alors à nouveau le mythe, puis il inventerait la poésie. Enfin, une femme inventerait la photographie. »
Parmi les éléments qui jalonnent le chemin de cet essai où la présence de l’autrice est engagée, entre apparition et disparition, récit de soi et analyse d’œuvres, la chambre est un motif, clé, tant photographique que « lieu à soi », dans la traduction de Marie Darrieusecq du texte de Virginia Woolf. A rebours de l’imagerie éculée de la vieille fille qui a pu coller à la peau de Dickinson et Maier, (Woodman s’étant suicidée trop jeune pour que quiconque l’ait caractérisée ainsi) le texte de Marion Grébert invite également à reconsidérer positivement les postures de repli au féminin, permettant ainsi la floraison de l’œuvre.
« Son fantôme errait avec légèreté sur la colline » Emily Dickinson