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Rencontres d’Arles, un festival rénové.

Dorothea Lange / Migrant Mother, Nipomo, Californie (1936), 2014. Avec l'aimable autorisation de l'artiste et de la Catherine Edelman Gallery, Chicago
Dorothea Lange / Migrant Mother, Nipomo, Californie (1936), 2014. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la Catherine Edelman Gallery, Chicago
Enfin close l’ère Hebel où les réseaux étaient sensés remplacer une pensée sur l’image, où les expositions collectives thématiques étaient prohibées. L’attente suscitée par l’arrivée cette année de Sam Stourdzé, venant du Musée de l’Elysée de Lausanne, a été largement récompensée par une programmation riche et diversifiée offrant comme il le revendique « une cartographie de la photographie ».

Voir en ligne : www.rencontres-arles.com

Pour commencer cependant par une critique pourquoi encore une fois inviter Martin Parr devenu la caricature de l’artiste officiel, le secours prétentieux de Matthieu Chédid ne nous a pas épargné une installation totalement anecdotique. Le parti-pris thématique de l’architecture pouvait être très porteur. Cependant les façades numérisées de Markus Brunetti sont ennuyeuses comme ces photos que Bernard Lamarche Vadel appelait ustensilaires. Quant aux diptyques de Toon Michiels, digne du jeu des 7 erreurs de la presse télé, ils répondent bien à ce que Roland Barthes critiquait comme images unaires.

Architecture et histoire revisitées

Heureusement la sélection est sauvée par l’intérêt historique et critique de Las Vegas Studio contant les nombreuses audaces post-modernes de Robert Venturi et Denise Scott Brown. Lui fait écho l’excellente série de l’ambitieux projet d’Olivier Cablat Duck, une théorie de l’évolution où le kitsch se met au service du consumable, y compris en version 3D à visiter.

La grande liberté de traitement du retour sur l’histoire spécifique se manifeste par un ensemble de propositions fort significatives. S’il était essentiel de faire enfin connaître sérieusement en France le projet génial de Stephen Shore la scénographie trop traditionnelle rend le parcours plus ennuyeux que la qualité intrinsèques des séries. Il est heureux de retrouver une nouvelle proposition drôle et cultivée de Luce Lebart à partir des collections de la Société Française de Photographie : Souvenirs du Sphinx. Fructueuse diversité qui propose les contributions de Walker Evans à l’une des meilleures revues de son époque Fortune et les mises en scène si techniquement réussies de Sandro Miller déguisant son compère John Malkowich pour des remakes des figures célèbres ou anonymes de l’histoire du médium (comme il est inquiétant dans le double rôle des jumelles de Diane Arbus.)

L’ailleurs en trois voyages et une discographie

Une autre réussite de ce programme se révèle dans le rapport à d’autres civilisations dans le passé comme dans l’actualité. Christine Barthe responsable des collections photographiques au musée du quai Branly à Paris nous fait découvrir les étranges rites surréalistes que Martin Gusinde dans les années 1920 est allé documenter en ethnographe sur la Terre de Feu. A retrouver aussi dans le livre des éditions Xavier Barral, co-curateur de cet ensemble frappant.

Autre commissaire invité, Simon Baker conservateur
de photographie et d’art international
à la Tate nous conduit avec Another Language vers une sélection très convainquante de photographes japonais et découvrir d’autres projets que celui maintenant trop médiatisé de Nobuyoshi Araki. Il est passionnant de retrouver Heiko Hosoé dans la suite de sa collaboration avec le maitre du bûto. Simmon : A Private Landscape publié pour la première fois en 2011met en scène la performance de Simmon, personnage de théâtre travesti en femme qui danse dans la ville et la campagne. Deux révélations issues de Tokyo, Daisuke Yokota et Sakiko Nomura révèlent des recherches moins expressionnistes que celles d’un Moriyama présent ici avec une série de nus.

Dans la rubrique Les plateformes du visible Ambroise Tézenas qui a fait partie de la belle initiative de France Territoire Liquide nous emmène sur tous les terrains de conflits, de catastrophes ou de génocides offrant désormais un tourisme organisé de l’horreur.

Renouant avec les images vernaculaires qu’il a si bien défendu dans sa revue Else durant son passage à Lausanne Sam Stourdzé s’associe avec Antoine de Beaupré et Serge Vincendet pour fournir le contrepoint musical à l’ensemble avec les pochettes de disque où s’illustrent les plus fameux créateurs. Ce voyage en Total Records est aussi ludique qu’instructif sur les bons usages d’une image appliquée.

Trois initiatives associées

Deux institutions et un collectionneur contribuent à cette réussite. Le Musée Réattu met à l’honneur sa collection avec Oser la photographie, une exposition très fournie accompagnée d’une édition utile. Quelle étrange omission cependant lors de l’inauguration que celle du nom de Michelle Moutashar qui a œuvré à partir de la géniale intuition de Lucien Clergue et Jean Maurice Rouquette pour continuer d’enrichir avec les meilleurs contemporains ce trésor historique.

L’association du Méjean accueille dans deux lieux la superbe collection de la Maison Européenne de la Photographie en mettant en valeur des ensembles d’œuvres pour chaque artiste international justement représenté. Cyrille Putman rejoue en la démultipliant la réponse de Raymond Hains à l’invitation de Catherine David en 1997 exposant dans une vitrine de Kassel pour la DocumentaX. Ici plusieurs commerçants de la pittoresque rue des Porcelets s’ouvrant vers le quartier de la Roquette accueillent des tirages dont certains inédits du plus littéraire des plasticiens du XXième siècle. Une mise en appétit pour la présentation d’un ensemble plus complet par la galerie Max Heltzer (Berlin Paris) à la prochaine FIAC.

De jeunes artistes et leurs éditions

La jeune création n’a pas été oubliée même si de l’ensemble des sélectionnés du Prix Découvertes ne ressortaient vraiment qu’Omar Victor Diop, artiste ganéen présenté par Claire Jacquet, directrice du FRAC Aquitaine, ses autoportrait mêlent histoire de l’art et objets du commerce footbalistique. Et Pauline Fargue soutenue par Fannie Escoulen dont les journaux intimes Nul jour 2002-2015 ont été justement récompensés par le prix attribué par l’ensemble des professionnels présents lors de la semaine d’ouverture.

Une sélection de diplômés de l’ENSP, Une attention particulière permet d’apprécier le professionnalisme des engagements politiques, esthétiques ou littéraires de Louis Matton, Pablo Mendez et Cloé Vignaud. Les conversations initiées par Olympus ont engagé un fructueux dialogue plastique entre Denis Darzacq et Swenn Renault diplômé ENSP de l’année. Sa camarade de promotion Rebecca Topakian a répondu intelligemment à Dorothée Smith qui nous permet de découvrir les prémisses photo de son projet multimédia Traum à la fois un des sens du mot rêve en allemand mais aussi le début du mot trauma . Pour compléter le traditionnel Prix du livre et le nouveau Luma dummy Book award 
doté de 25 000 euros pour récompenser la meilleure maquette, l’édition photographique y compris très alternative qui n’avait souvent été présentée que dans Voies Off trouve ici le chemin du in. Cosmos Arles initié par Olivier Cablat et Sebastian Hau et pensé depuis sept ans comme un laboratoire d’expression des pratiques émergentes en photographie, édition et arts visuels est le lieu de toutes les découvertes.

Le tout est accompagné par un catalogue qui est de nouveau un outil de plaisir pour amateurs et de référence pour professionnels.

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