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Quelques leçons de cœur et de raison de Pierre Restany

Pierre Restany est mort en 2003, un an après l’inauguration du Palais de Tokyo dont il était le président, fonction qu’il était le plus digne à pouvoir assumer tant son combat depuis plus d’un demi siècle était lié à l’art contemporain dans ses formes les plus novatrices.

Voir en ligne : www.archivesdelacritiquedart.org

S’il est courant de penser qu’on ne peut être bon critique que d’artistes de sa génération, son aventure fondatrice avec Yves Klein à partir de 1955 et les nouveaux réalistes le confirme. Parmi les premiers il a fait le lien entre art, architecture et design industriel avec la revue italienne Domus au milieu des années 60. Mai 68 est l’occasion pour lui d’une réflexion sociologique qui débouche sur la double publication du Petit Livre Rouge de la Révolution Picturale et du Livre Blanc de l’Art Total. Il a su ensuite rapidement développer une écoute des artistes de la plastique des média. 
 
Continuant d’interroger inlassablement le rôle de l’art il mène des collaborations intimes avec des artistes d’autres générations. En 1978, en compagnie de Sepp Baendereck et de Frans Krajberg. il remonte en bateau le Rio Negro affluent de l’Amazone. Le Manifeste du Rio Negro, rédigé sur place développe un naturalisme planétaire extrêmement radical. La découverte des théories de Benoît Mandelbrot et sa collaboration avec l’artiste Carlos Ginzburg en font un des défenseurs de l’art fractal. Après avoir accompagné diverses expérimentations autour d’art et urbanisme il interroge la société post-industrielle en proposant au début des années 90 la théorie des "Objets-plus" qui lui permet de relire et de relier Duchamp, Bertrand Lavier, Jeff Koons, Nam June Paik mais aussi des designers comme Mandini ou Starck.

En 1988 dans le cadre des Jeux Olympiques de Corée, il organise le Parc Olympique de Sculptures de Séoul regroupant 300 oeuvres du monde entier. Pendant toutes ces années il reste à l’écoute des mutations planétaires de communication et des changements des critères du goût dans notre société post industrielle. 
 
En 1991, Françoise Daniel alors conservatrice du Musée de Morlaix, propose sous le titre "le cœur et la raison" une exposition hommage et bilan de l’action du critique. Le catalogue est mis en page par Peter Knapp autour d’une couverture inédite de Jean Tinguely. Après le rappel des trois manifestes du nouveau réalisme et un hommage individuel à chacun de ses membres historiques, vingt deux thèmes nous sont proposés qui dans leur constante actualité nous rappelle la qualité d’écoute du monde via l’art développé par le critique. Parmi ceux-ci on peut citer ses intérêts pour l’écologie, mais aussi le cosmos, la violence, l’apocalypse. On y trouve aussi les références des nombreux artistes français et internationaux qu’il fut parmi les premiers à défendre dans notre pays au moins, Dani Karavan, Lee U-Fan, Fabrizio Plessi, Michel Journiac, Melvin Charney, Catherine Ikam, Miguel Chevalier… Liste non exhaustive et qui s’est prolongée ces dix dernières années avec la même diversité et un niveau de recherche équivalent.

Par delà la quête tous azimuts du jeune talent d’un certain art officiel, nous sommes actuellement quelques supports critiques conscients que la diversité de l’art aujourd’hui nécessite de rester à l’écoute des créateurs et critiques des générations précédentes, tout en donnant leur chance aux nouvelles voix théoriques et créatives. C’est ce qui motive notre action et suscite nos liens avec Art Absolument ou Area revue(s). Parmi les autres leçons directement reçues de Pierre Restany à l’époque où il m’a fait l’honneur et l’amitié d’être mon parrain pour l’Association Internationale des Critiques d’Art, le lien privilégié entre le critique et l’artiste doit rester direct en évitant les pièges des interprétations déviantes des représentants légaux, ayant-droits, femmes, époux, compagnons et veuves de l’artiste susceptibles de s’approprier indûment ce qu’ils croient être la vérité de l’œuvre et qui n’est que la chronique mal camouflée de leur conjugalité.

Au plus près de ce qui naît sur le terrain risqué de l’art, comme au plus près de la parole irremplaçable de l’artiste, doit demeurer la parole critique. Juin 2003

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Lire dans Tactiques/Edition Pierre Restany et les Archives de la critique d’art par Vincent Juillerat

http://www.lacritique.org/article-pierre-restany

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