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Paris-Photo dans le cadre du mois Européen à Paris

Paris-Photo

Le dynamisme confirmé de Paris-Photo inscrit dans la logique d’un Mois Européen qui a trouvé maintenant pleinement son rythme et son sens répondait point par point au renouveau des foires parisiennes qui ont précédé. L’art restait présent au coeur de la nouvelle économie. La partie historique du Salon nous le rappelait avec brio, des deux beaux tirages de Steichen à 1 500 000 dollars (pas vendus certes) à l’émouvant petit portrait de Frida Kahlo par Weston dont le paraphe crayonné de façon quasi enfantine en bas de l’épreuve signait les liens amoureux. Au plan contemporain plus de confirmations que de découvertes permettaient de lire le recul déceptif de la photo chinoise, la trop faible présence d’artistes français et une représentation un peu courte et trop attendue de la scène finlandaise dont la richesse et la diversité réelle n’était pas suffisamment lisible.

Si les contradictions entre aspirations économiques et développements de l’art faisaient qu’Alain Le Gaillard a beaucoup vendu de petits tirages de snapshots de néo-nazis (qui m’expliquera les motivations profondes des collectionneurs de langues tatouées de croix gammées ?) ce qui restera c’est la confrontation entre deux artistes majeurs. Dans ses panoramas Chien Chez Zhen a intégré sa violence référencée histoire de l’art (souvenons nous de son autoportrait bicéphale sur le corps du « supplicié des 100 morceaux ») pour la transformer en l’expression mise en scène de la sourde violence sociale. Face à lui les immenses tableaux noir et noir de Touhami Ennadre viennent à la rescousse formelle de ces homeless newyorkais dont les seuls vêtements sportswear usagés laissent deviner un corps désaffecté.

Parmi les retrouvailles heureuses, celle de Noëlle Hoëppe ayant longtemps travaillé l’évanescence sensuelle ses corps féminins aux confins noir et blanc de la mode. Un diptyque présenté à l’extérieur su stand de la galerie Chomette nous introduisait à un univers aux limites couleurs du design domestique dont la cruauté distanciée marquait l’apologie d’un sang (expiatoire ?) versé. Dans le retour à une image fabriquée, aussi bien numérique que par des pratiques mixed-media on pouvait comparer la probabilité spatiale des favellas de Dionisio Gonzalez chez Clairefontaine à l’hommage improbable mais utilisant brillamment la technologie CCD pour « Holbein , adieu » par Ger Van Elk.

Parmi les découvertes d’une photo directe l’artiste américaine Krista Boggs dont l’extrême cohérence de démarche se met au service d’un univers très prégnant, celui d’une enfance dont la souvenance non nostalgique gît au ras des choses comme des espaces reconvoqués des petites villes. Dans la même galerie ,Agnès B, une telle attitude s’oppose aux clichés qui se croient aujourd’hui provocateurs d’un Ryan Mc Giley. S’il a encore mal intégré les influences de Nan Goldin et de Jurgen Teller, certaines oeuvres d’une réelle puissance traduisant un quotidien heureusement vécu, laissent envisager cependant un vrai talent.

Le thème des Mois Européens « l’image imprimée » a su trouver des scénographies appuyant le propos pour une belle lisibilité : hommage au magazine Vu et dialogue extrêmement pertinent entre Zbigniew Libera et son compatriote l’écrivain polonais Darek . Le premier poursuivait ainsi à travers le récit personnalisé de ces « Sentinelles » féminines, sa relecture décapante de l’histoire récente. Les dialogues Photo/ Graphisme s’enrichissent de la parution du nouveau 2 de l’originale revue Aman Iman (Editions Filigranes) et de leur publication du catalogue 80+80 autour des meilleurs graphistes designers d’aujourd’hui en dialogue avec les créateurs de la galerie Vu.

Ajoutons les justes récompenses du prix Alcaltel « mutations » pour le travail du sculpteur philippe Ramette et le Prix du Public pour le Jeu de Paume au tonique et inquiétant ensemble de paysages domestiques avec usine atomique de Jurgen Nefzger, membre de notre équipe éditorial, tandis que la série « Stardust » de Jean Christian Bourcart (prix du jury) va chercher l’image projetée du cinéma à sa source pour une représentation tremblée. Un précipité semblable s’opère chez les soeurs Krecké (Mutations, Luxembourg) partant d’un dessin de mémoire d’héros et héroïnes du 7°art, travaillé à l’ordinateur pour que les calques superposés en arrêtent une image photographiquement forte et inédite. Ce type d’images dans leur intelligence protocolaire comme dans la chaleur mémorielle du résultat ne peuvent que nous interroger sur la trop séduisante froideur picturale des portraits de Désirée Dolron. Une telle esthétique développée en peinture aujourd’hui ne pourrait que laisser transpirer son passéisme pour ne pas dire plus. Heureusement l’artiste sait rester attentive à ces risques quand le frémissement représenté d’une chaire vient contredire le maniérisme du rendu facial.

La plus belle aventure de ce Mois parisien est sans conteste celle de l’humanité, rien moins que ça, narrée par Donigan Cumming en deux tableaux de 2,50x4m, composés chacun de 10 000 photos réalisées sur plus de 30 ans par l’auteur. Cette fresque en un épilogue et un prologue s’appuie pour le premier sur la structure d’une petite toile de Brueghel, tandis que l’autre revisite la composition de « L’entrée du Christ à Bruxelles » de James Ensor. On y retrouve Nettie Harris escortée par les fans de Presley et des compagnons de la vieille femme travestis en « Pleureuses » qui rejouent leur « Musique de barbier ». L’un des grands défenseurs des pratiques documentaires met ici en oeuvre sa propre démarche de façon critique dans une réalisation plastique bouleversante, fin d’un cycle mettant entre parenthèses tout une histoire humaine pas vécue dans la même implication par tous.

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  • « Ce que fait l’estafette »
www.institut.pologne.net www.donigancumming.com
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