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LINDA SUTHIRY SUK OU L’INTIMITE DU CACHE

Entretien réalisé par Florence-Valérie Alonzo

Black Things
Black Things
Ses photographies sont une intimité affichée, mais elles sont toute à la fois quelque chose de plus qu’une intimité révélée. C’est comme un écoulement, quelque chose de l’ordre du toucher, quelque chose qui n’est pas vraiment élucidé, une impulsion du caché. La question de la féminité touche cette artiste d’origine cambodgienne, mais cette féminité la ramène à la question du masculin.

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PULL NOIR, (2007) 90x60 cm série de photographies argentiques où on la découvre nue en enlevant un pull noir n’est pas un autoportrait : « le pull noir, c’est une peau qu’on enlève. Le pull approche plus l’envers de la peau…C’est la vision d’une peau retournée. Il s’agit de montrer l’intérieur, la noirceur, cette part obscure qu’il y a en chacun de nous, part obscure de l’intimité…On est toujours dans l’incapacité de se connaître dans sa chair, dans son intériorité. Son mécanisme nous échappe d’une certaine manière… C’est ce mystère qui m’attire parce qu’il nous échappe.

ENCRE, ou BLACK THINGS (2009) 60x45 cm autre série de photographies mais qui illustre cette intériorité : « C’est comme un flux, un mouvement intérieur fort, riche, instructif…quelque chose qui émerge de la terre, de la matière. »

Dans ces prises de vue LINDA SUTHIRY SUK amène des éléments extérieurs, que ce soit le pull, l’encre, le tissu. Elle se considère comme « le témoin d’un processus qui s’effectue. » La matière échappe à sa volonté. Pour PULL NOIR, puisqu’elle était modèle, elle ne pouvait avoir un rapport dominant à l’ « objet » photographié. « Je participai à cette matière aléatoire, je me dégageai de mon regard. »

ENCRE ou BLACK THINGS en négatif représente la part masculine, le sperme. « C’est de l’ordre du ressenti, il n’y a rien de prémédité dans mon travail, mais plutôt le désir de faire quelque chose de l’ordre du désir, de faire une expérience. L’encre à chaque instant change…elle s’écoule. Le sens arrive après. J’ai peut être senti instinctivement cette métamorphose…Je suis fascinée par les contenants qui laissent voir l’intérieur. J’aime me mettre dans une situation où je ne maîtrise pas l’objet photographié. Avant lorsque je dessinais, j’avais trop de facilité, ma main avait appris une certitude. Je voulais la casser, je me suis tournée vers la photographie, parce qu’elle est plus technique, plus difficile. »

LINDA SUTHIRY SUK travaille l’argentique et le numérique. LES TISSUS, en numérique préservent les traces d’une imperfection. Mais ces « défauts », « ces flous » sont préservés volontairement. Ils s’intègrent dans une totalité : « je ne cherche pas la perfection, je laisse ouvert au champ des possibles. Avec le numérique se pose la question de la société contemporaine dans son rapport à la chair et la représentation de la chair. Cette perfection recherchée fait naître l’amalgame. » « Certaines femmes qui se représentent en art sont assez dures avec elles-mêmes... » L’œuvre de LINDA SUTHIRY SUK est d’une simplicité déconcertante de sensualité. C’est une énergie qui est mis en scène. « Il y a une confusion entre le genre masculin ou féminin. Cette énergie que je photographie nous constitue tous... J’ai photographié un homme de dos qui se déshabille et déboutonne sa chemise. L’HOMME A LA CHEMISE (2009) 60x45 cm. C’est important l’érotisme au travers le corps d’un homme. Dans notre société, c’est comme si l’homme n’avait pas le droit à l’érotisme, comme s’il n’avait pas le droit d’être touché…la peau…on montre toujours sa musculature. Le fait que cet homme se déboutonne, qu’il enlève son carcan, de dos, c’est un geste féminin.

Dans ces œuvres LINDA SUTTHIRY SUK cherche la magie. « quelque chose de magique dans l’acte artistique, presque comme une expérience de chimie ». Cette jeune artiste transcende la matière. Elle recherche l’alchimie, « parce que la magie à quelque chose à voir avec l’acte de création. »

LES TISSSUS, (2008-2009) autre série photographique où le corps se révèlent dans son absence. Dans la culture cambodgienne, c’est dans des kramas très colorés que l’on berce les enfants. Ces tissus ont la capacité de capter les odeurs du corps. Ils représentent un volume. « Dans mon esprit, représenter les replis, les plis que l’on peut déployer à l’infini représentent la chair qui se constitue dans les plis et les replis. En même temps je pense à la sexualité. Peut-on regarder son propre sexe en face ? » Regard de la Méduse qui fige. Ces tissus sont aussi des sexes figés-mouvants comme les drapés des statues grecques. « Dans un tombé, mes tissus offrent une pénétration, un mouvement. Le sexe peut être projeté ailleurs qu’il n’est…dans les plis du corps…la peau continue à l’intérieur. Pourquoi ce morcellement du sexe ? »

Dans ses photos l’artiste ne prend pas d’espace confiné, l’espace est exprimé ailleurs, dans un mouvement d’ouverture, le hors champ est très présent. « Finalement c’est important de voir un homme ou une femme qui n’est pas forcément dans une perfection, qui assume tous les mouvements de son corps. Dans L’HOMME A LA CHEMISE, on ne voit pas la tête du modèle, juste son buste. Pour que le corps existe, il faut que le visage soit absent, sinon on ne voit pas la totalité du corps, de la chair, comme si le visage était une toute puissance qui empêchait de voir le reste. »

Même si elle se montre nue LINDA SUTHIRY SUK a une certaine pudeur, pourtant une certaine violence s’échappe aussi de son travail. Ce qu’elle montre c’est cette partie cachée de chaque être, toute cette vie intérieure qui nous habite, qui essaie de se propager à l’extérieur de manière non contrôlée. « Est-ce que l’on maîtrise vraiment les choses ? …C’est un autre moi qui nous gouverne dans ce geste précis, là ! »

« J’avais réalisé une photographie d’un sucre en train de fondre…Il en va de même pour le corps. La matière, le corps n’est pas statique. A chaque seconde, nos cellules se divisent. Ce processus de disparition, d’évolution imperceptible, ce mouvement infime, on le ressent de l’intérieur. Les draps ramènent aussi à quelque chose de mortuaire. Le tissu, le drap c’est le lieu des ébats amoureux…l’érotisme, le linceul, le corps que l’on recouvre… Le retour à l’être essentiel est pour moi important, ce temps du commencement avant les choses civilisées ».

« Les moments de flous sont important pour moi, j’essaie de les capter. Quand j’enlève le pull par exemple, il y a une partie nette et une partie floue. Le monde se voit dans ses passages de sensations plus ou moins nettes. C’est le mouvement qui crée l’espace. Dans mon travail le noir et le blanc est important. Le noir comme dévoilement. Il n’obscurcit pas »

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++INFO++
Exposition à venir fin janvier à la galerie ma collection 34 rue Mazarine 75006 métro Odéon Du mercredi au dimanche de 15 heures à 19 heures. Tél : 01.45.65.37.83

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