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Les « non ! » du Père d’un parking canadien à la reprise de la Bastille

Vidéo des familles

which way to the Bastille
which way to the Bastille
Milutin Gubash c’est d’abord une présence à l’écran, une de ces figures loufoques d’un émigré yougoslave au Canada qui raconte de petites histoires de famille dans des vidéos courtes à l’humour aussi distancié que grinçant.

Voir en ligne : www.3015.org

La rhétorique de cet univers haut en couleurs se décline selon les titres, rédigés en monosyllabes ou expressions toutes faites de la vie quotidienne dans une grande ville, échanges d’une para-communication, langage d’extraction relativement populaire issu de groupes sociaux restreints, engagés dans une même aventure. Les formes de la « borrowed suite » passent des « je vois » à « des tas ! » jusqu’à des questions aussi existentielles que « où on se gare ? ». Ce sont autant d’occasions pour Milutin de se mettre en valeur, au tout premier plan de l’acran, évoquant tout à tour dans une suffisance jouée des personnages déjantés d’Emir Kusturica, un Aldo Maccione infiniment plus classieux, ou un mister Bean ni distrait ni gaffeur. On n’est pas ici dans les méfaits de l’idiotie ciné-artistique. Milutin en tant que performer intervient dans une réelle maîtrise de son univers, de ses personnages de proximité, de ses décors de grande ville et leurs non-lieux de banlieue.

En tant que vidéaste il tient en main tous les paramètres techniques et de temps dans une narration, toujours très serrée et qui nous permet de trouver immédiatement notre chemin vers cet univers sympathique et apparemment drôle. Divers animaux domestiques participent de ce sentiment, traversant assez spontanément l’écran comme autant de contrepoints aux comportements si dénaturés des humains. ?

Dans sa dernière pièce « Bastille » si les mêmes paramètres se retrouvent activés, l’action se resserre et se dramatise dans l’immédiat environnement de l’habitacle nocturne d’une berline de série, autour du cercle de la famille de l’auteur. Le fils questionne le père, lui demande de répéter des interrogations métaphysiques sur la transmission, le sens de la vie, sa finitude. Cette mécanisation de la parole, le caractère faussé de l’exercice, la parole hésitante et la prononciation chuintée du père rendent la scène assez vite pénible et même angoissante. L’infantilisation de la relation à la figure paternelle apparaît ainsi d’abord pleine d’humour et de retournement d’autorité, puis elle devient assez insupportable, autant que la complicité quasi muette de la mère. La tension se relâche dans le anonement du « good bye cruel world », le ton professionnel de la dernière demande de répétition de la réplique, façon metteur en scène tyrannique apparaît vaine et on est soulagé de la reprise en main de sa dignité par le père qui envoie Milutin balader d’un « oublie ça » suivi de sa sortie du huis-clos. La question du reste de la famille renvoie à une continuité du voyage en diaspora vers la France, sa capitale et son mythique quartier Bastille.

Par cette puissance dramatique comme dans la déclinaison de cet univers de diaspora la proximité esthétique du projet global apparaît grande avec la démarche du cinéaste Atom Egoyan, lui aussi actif au Canada .Un curieux « air de famille » rapproche les deux épouses. Si Arsinée Khanjian est une actrice professionnelle ce n’est pas le cas de la compagne de Milutin. Elle possède cependant à l’écran la même présence charnelle charismatique et pleine de charme. Les parents que l’on trouve aussi dans leur propre rôle chez le cinéaste sont ici beaucoup plus acteurs revendiquant leur fonction de « meilleure vendeuse de parfum en Alberta » et lui de « microbiologiste à la retraite ». Ce dernier est le narrateur de son aventure « Which way ton the Bastille », objet de la dernière vidéo et du catalogue édité par « J’ai Vu » collection Livres d’artistes. « Mon père prend la situation en charge comme il le fait toujours : il nous raconte une histoire pour passer le temps, mais surtout je crois , pour s’assurer qu’on apprenne quelque chose à son sujet. Il ne s’agit pas vraiment d’une conversation, puisqu’il parle et nous nous ne faisons que l’écouter. Il pose et répond à ses propres questions. »

Le catalogue affirme le décalage de la situation de diaspora par son titre en anglais et cette dédicace en sous titre « A ma fille pour qu’elle comprenne mieux son grand père ». L’adhésion à l’imagination du père dans son parcours hasardeux d ‘émigrant, le mauvais rôle que se donne l’artiste, font de cette histoire de transmission générationnelle une aventure esthétique d’une grande sensibilité.

Janvier 2008

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