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Le livre d’une exposition performative : RETROSPECTIVE par Xavier Le Roy

Self unfinished
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RETROSPECTIVE par Xavier Le Roy rend compte de cinq occurrences d’une exposition singulière initiée à la Fondation Tapiès de Barcelone en 2012 et ayant itinéré jusqu’en 2014 au Centre Pompidou. Ce livre publié aux Presses du Réel regroupe de nombreux témoignages de théoriciens et d’artistes de la chorégraphie et de la performance qui donne à imaginer cette singulière proposition renouvelant l’exposition d’art contemporain autant que les arts vivants.

Voir en ligne : http://www.lespressesdureel.com/ouv...

Structuré en trois parties cet abondant ouvrage de plus de 400 pages ne comporte aucune illustration. En ouverture des approches théoriques sont le fait de critiques, d’historiens d’art et d’un entretien préliminaire entre le chorégraphe et Bojana Cvejic, l’éditrice. Le même dispositif permet de revenir en seconde partie sur les principaux soli qui ont fait l’objet de reprises plus que de réels ré-enacments dans RETROSPECTIVE. La dernière partie laisse la parole aux interprètes et performers ayant avec leur propre rétrospective en lien avec le projet général de Xavier Le Roy.

Dans un entretien avec Laurence Rossel, directrice de la Fondation Tapiès, Christophe Wavelet , ex membre du quatuor Knust, revient sur la genèse de cette invitation rare. A l’époque l’artiste s’interroge sur le passage de la black box des arts vivants au white cube de l’exposition. Cette carte blanche lui permet d’engager son ambitieux projet. . Dans un musée aux salles temporaires dont les murs restent vides, il fait intervenir ses performers selon trois modalités. L’immobilité rejoue la sculpture, la boucle plus en lien aux formes vidéo et la ligne où se développe le récit. . La directrice du lieu a accepté ainsi de « mettre son institution d’art contemporain à l’épreuve des corps ». Pour la reprise de sa célèbre pièce « Untitled » de 2005 les marionnettes grises à taille humaine, seuls objets de l’exposition, sont soit laissées dans un état de mort spectaculaire, soit animées deux heures par jour par le chorégraphe lui-même.

Claire Bishop nous rappelle d’autre initiatives questionnant à la même époque la forme rétrospective : Pierre Huyghe à l’Arc à Paris avec Celebration Park en 2006, Jonathan Monk avec Continuous Project Altered Dayly à l’ICA de Londres ou Dominique Gonzalez Foerster à Beaubourg.

Laurent Goldring a collaboré à plusieurs reprises avec Xavier Le Roy depuis la création anticipée de ses « body mades » d’après lesquels Self Unlimited a été créé en 1999. Il a ensuite filmé RETROSPECTIVE au Centre Pompidou. Il élargit l’approche déclarant que « le musée se conforme désormais au modèle du musée imaginaire comme écran et comme multimédia ». Il affirme dans ce cadre « l’émancipation de l’image qui se dévoile comme un organe. »

Corinne Diserens énonce l’antériorité dans ce domaine de recherches telles que celles de Lygia Clark, puis de Marcel Broodthaers, mais aussi d’Yvonne Rainer souvent évoquée par plusieurs auteurs dans ce livre. Le rapprochement avec les créations vidéo de Raymond Depardon apparaît plus hasardeux et discutable, même si l’historienne le fait dans une relation à l’esprit du temps plus qu’à l’artiste lui-même.

Le second ensemble d’entretiens avec Bojana Svejic met en lumière l’exigeante logique interne d’élaboration de ces œuvres sans concession aux normes du spectacle et de sa marchandise. Les deux soli qui ont donné réponse à des commandes sont réunis sous les titres Produit de circonstances particulières et Produit d’autres circonstances particulières. Cette dernière pièce répond à la demande de Boris Charmatz sur le butoh. Toutes les pièces en solo ont été dansées par Xavier Le Roy lui-même à l’exception de Giszelle à qui Eszter Salomon donne corps en signant sa performance du z de son prénom.

La relecture de la pièce classique d’Alphonse Adam s’accompagne d’une sorte de morphing d’attitudes corporelles qui renvoient aussi bien au Christ qu’à Marlène Dietrich ou àMickael Jacson. Pour son Sacre du printemps le chorégraphe reconnaît l’influence de Nijinsky et de Pina Bausch, mais il s’appuie sur une autre source, un film documentaire insistant sur l’exécution de la musique de la pièce par un orchestre. Cela suggère au danseur d’interpréter le chef en faisant face à son public. Le dialogue avec celui-ci reste une constante qui fait aussi l’originalité de RETROSPECTIVE au point que « de nombreux visiteurs ont parlé d’une situation où quelque chose leur était dansé – comme une expérience d’intimité. »

L’arrivée d’un spectateur dans l’une des salles provoque le départ du ou des performers présents qui reviennent aussitôt pour opérer une immobilité, une boucle ou une action narrative. Ces deux dernières sont l’occasion d’entamer un autre dialogue qui constitue l’appropriation par les interprètes de leur propre rétrospective. Ils en témoignent dans la dernière partie. La parole libre et directe du danseur sur son expérience est trop rare, il est dommage que Vera Knoll veuille en faire un exercice théorique pour la défense d’une danse post-conceptuelle. Ben Evans structure lui son expérience sur les trois moments de l’apprentissage des chorégraphies, puis de leur problématisation qui débouche sur une production singulière individualisée au service du projet commun.

Volmir Cordeiro hésite entre rage et autres sensations pour la surmonter : « allégresse et mobilité de l’imaginaire corporel. Chacune lui permet de conquérir une temporalité affective appropriée. Le texte e plus pertinent parce que le plus engagé Le danseur parle-t-il ? permet à Aimar Perez Gali « d’envisager cette exposition comme un dispositif technique d’émancipation du danseur vis à vis de sa condition subalterne et une approche de son corps comme archive vivante. » En cela il gère aussi ses influences autant que ce qu’il doit à Xavier Le Roy : « Mon corps en tant que somathèque archive d’autres corps qui sont passés par le mien. Danser c’est comme naviguer à travers tous ces corps. » C’est à lui aussi qu’on peut laisser le soin de conclure.

«  RETROSPECTIVE est une exposition de sujets qui s’adressent à d’autres sujets, des danseurs qui parlent aux visiteurs, des visiteurs qui parlent aux danseurs. » Autour de ces si rares échanges se construit une exposition performative qui met en crise l’institution, l’art contemporain et la danse , en modifiant leurs espaces tout en leur offrant d’autres temporalités.

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