Accueil du site > Précipités > Chroniques > Le corps en oeuvre, ses possibles exacerbés

Le corps en oeuvre, ses possibles exacerbés

Une exposition de la galerie Coullaud&Koulinsky

Depuis l’exposition londonienne « Move – choreographing you » à la Hayward Gallery en 2010, aucune proposition à la fois ambitieuse et pointue n’avait abordé plastiquement les enjeux du corps performatif. Pour fêter sa première année d’existence la galerie Coullaud&Koulinsky nous offre cette opportunité avec le commissariat de Maria Carmela Mini, programmatrice et productrice de danse contemporaine, en charge depuis dix ans du festival lillois Latitudes contemporaines.

Voir en ligne : www.coullaudkoulinsky.com

Sa proposition se décline grâce à la participation de neuf artistes de différentes générations qui tous appartiennent au double champs de la performance et de ses traces ou résidus plastiques. En se plaçant sous l’autorité historique de Gina Pane on comprend que les enjeux artistiques et sociétaux se sont modifiés depuis les années 1970. La liaison body art souffrance même si elle est annoncée dans la légende de son quadriptyque photo comme porteuse d’avenir a été dépassée, déplacée vers d’autres domaines de l’expérience humaine.

Dans la génération des cinquantenaires internationalement célèbres la présence mitoyenne de Franco B. et de Jan Fabre départage les enjeux entre performance pure et plasticité revendiquée. Jan Fabre présente un de ces corps incertain, sans réel modèle humain, puisque composé de scarabées formant une entité qui nous accueille, en frère animal de ses guerriers de la beauté.

Franko B. montre quant à lui l’évolution de son travail grâce à trois pièces s’étageant de 2010 à 2013. Trois manières s’y succèdent, la photo de haute qualité d’une performance peut nous apparaître comme un hommage à la Conversation faite à un lièvre mort de Beuys. La figurine en néon rappelle celles de Julian Opie, mais en plus radicale dans son (dé)marquage du corps. Le tableau brodé sur fond crème reprend une scène d’actualité de deux condamnés à la pendaison iraniens pour homosexualité. De l’individuel au sociétal puis au politique.

De la même génération Daniel Larrieu est surtout reconnu comme chorégraphe et interprète, comment ne pas se souvenir de Waterproof ou de son rôle de Divine d’après Genet, même s’il s’est exercé à la photographie et à la vidéo. Ici un modèle réduit d’une de ses poupées de chiffon protagoniste de sa pièce Big Little B. attend qu’on le mette en mouvement pour une danse intime.

Steven Cohen qui vient de défrayer la chronique judiciaire parisienne en défilant au Trocadéro sur ses très hauts talons noirs, le torse pris dans un bustier blanc, le sexe enrubanné tenu en laisse par un coq participe au Corps en œuvre avec deux sculptures décorées qui ne reculent pas non plus sur la provocation.

Daniel Linehan est un des très jeunes danseurs américains les plus doués de sa génération, il est présent dans l’exposition par l’ensemble des vidéos qu’il a produit grâce à des caméras embarquées sur la tête de ses interprètes et dont une partie animait son dernier spectacle au théâtre de la Bastille Gaze is a Gap is a Ghost. Pour l’occasion il expose aussi un livre objet, où le texte devient performatif.

Face à ces cinq hommes un trio réunit trois femmes, beaucoup plus jeunes. La plus connue est la photographe et vidéaste Fiorenza Menini, ses performances Variations sur canapé semblent avoir suscité son diptyque qui explore une fausse gémellité, seulement sororale, dont l’empathie se trouve mise en action dans la présence ou le masquage du regard. Seule de tous les artistes à ne proposer qu’un rendez-vous performance pour un spectateur unique Marie Caroline Hominal, signe Mademoiselle MCH. Si elle semble se placer dans une continuité ouverte par Sophie Calle l’intimisme n’est pour elle qu’un cadre non un but, puisque ses actions sont généralement plus provocatrices.

Vraie découverte de cette exposition, Miet Warlop, d’origine flamande s’affirme comme metteuse en scène plasticienne. Une de ses performances menée avec un mouchoir plâtré donne lieu à un autoportrait et à une sculpture trace de l’action. Une autre de ses sculptures , celle d’un pantalon d’homme géant fait l’objet d’une séquence d’animation digne d’un théâtre d’objet.

Prolongée par des performances cette exposition originale nous incite dans son exigence à une lecture active, à une réflexion sur l’évolution d’un corps contemporain qui reste ferment de remises en question sociétales d’importance.

haut de page

Partenariat

Cliquez visitez

JPG - 14.5 ko
Valérie Belin
JPG - 16.3 ko
Barbara Navi GALERIE VALERIE DELAUNAY
JPG - 10.8 ko
D’après maquettes Manuella Editions
JPG - 7.4 ko
Myriam Mechita

www.lacritique.org - Revue de critique d'art
Plan du site | Espace privé | SPIP