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Le champ des impossibles, une première rurale de haute qualité

Catherine Poncin
Catherine Poncin
Les initiatives pour développer l’art contemporain en milieu rural ne sont pas si nombreuses. On connaît les actions de Rurart en Poitou Charente, la Bretagne sud accueille le Festival de la Gallicy pour les photographes et le reste de la Région l’Art dans les Chapelles pour peintres et sculpteurs. Il faut depuis cette année compter avec l’excellence du Champ des Impossibles dans le Perche.

Voir en ligne : https://www.lechampdesimpossibles.com/

Avec à sa direction artistique Christine Ollier que le métier a longtemps apprécié comme co-fondatrice et directrice de la galerie les Filles du Calvaire pendant 21 ans , le Festival percheron a été rendu possible grâce à sa collaboration avec le maire de Perche en Nocé Pascal Pecchioli. Ce dernier mène une intense activité locale pour la rénovation d’édifices patrimoniaux. Plusieurs églises et chapelles romanes ont ainsi été restaurées avec un plafond intérieur en bois de châtaignier. Parmi les onze lieux d’exposition répartis sur 50 kilomètres de routes secondaires on compte aussi le Manoir de Lormarin , le « remarquable » Jardin François et le Moulin Blanchard que l’équipe de direction a l ‘ambition de transformer en artothèque en se fondant sur la collection de la directrice artistique et des dons des artistes invités. Une même diversité se retrouve dans les disciplines engagées, photographes , peintres et sculpteurs défendant des esthétiques variées.

Très logiquement trois artistes interrogent la plasticité de la nature dans un renouveau du genre paysager. Avec ses pellicules périmées Clara Chichin mêle silhouettes humaines et éléments arborés pour un ensemble d’une réelle sensibilité qu’elle décline dans sa série Le dos des arbres. Eric Mézan fait dialoguer éléments architecturaux des lieux non rénovés et hautes herbes de la campagne environnante. Guillaume Zulli qui a été invité en résidence dans la Commune utilise des papiers anciens pour ses tirages de grande qualité qui font résonner éléments naturels et façades des maisons typiques de la région.

Deux plasticiens déclinent les possibilités du bricolage arty. Loïc Pantaly nous amuse avec ses machines à l’humour coloré tandis que ses dessins-rébus nous séduisent par leurs qualités de réalisation comme par leur déchiffrement différé. Une même poésie iconoclaste anime les créations d’Agnès Propeck réalisées pour être photographiées dans ses petits formats noir et blanc.

Dans le renouveau de l’approche des images, on sait l’importance du dialogue avec les archives. On peut considérer l’installation réalisée à l’Atelier dans le centre ville de Nocé comme une archive anticipée du lieu de vie de Samuel Lebon, journaliste rock, romancier en devenir et photographe pour le studio Hans Lucas. Cette autofiction semble rendre hommage à Charles Bukowski pour la starisation ironique d’une vie de création.

Catherine Poncin mène depuis des années une oeuvre qui traque l’inconscient des images anciennes pour en faire ressurgir des identités singulières. Son exposition dans le cadre puissant du Prieuré de Sainte Gauburge, lieu de l’Ecomusée du Perche, installe dans l’espace des recadrages dans de vieilles photos de classe qui montrent la rigueur de cette approche identitaire en lutte contre l’action destructrice du temps.

Un accord parfait entre oeuvre et lieu peut se vivre dans les peintures composées de ciment, de poussière et de pigments du gallois d’origine Ashley Ashford-Bown. Sa série de toiles très matiéristes Rooms installée dans la grange du Moulin Blanchard constitue comme autant de trouées colorées dans ses parois en réfection.

Un même accord fait vibrer à l’unisson l’espace de l’Eglise Notre Dame de Courthiout avec l’immense sculpture en bois de récupération de Téo Bétin qui semble réactiver les Merzbau dans un dialogue de couleurs et matières naturelles avec le coeur de la construction d’un bleu intense.

Une même synergie a été réussie lors de l’accrochage entre une autre salle encore à l’état semi-brut du Moulin et les photographies des premières séries du plasticien Michel Le Belhomme. Ses lieux en déshérence , ses sculptures provisoires jouent de simulacres , avec la troisième dimension pour faire résonner tous les espaces de la représentation.

Séréna Carone qui s’était révélé à un plus large public lors de sa collaboration avec Sophie Calle au Musée de la Chasse pour Beau doublé, Monsieur le marquis ! investit l’église de Saint - Aubin des Grois. Un couple de petites perruches très anthropomorphes occupe le confessionnal tandis que les stalles sont squattées par une pieuvre rococo. Le choeur accueille une Dormeuse de faïence dont le coeur bat alors que le buste immaculé de La pleureuse laisse choir à intervalle régulier une larme pure. Face à la simplicité des murs et à la sophistication du mobilier XVIII e siècle la puissance baroque de créatures prend toute sa force sensuelle.

Bien que des esthétiques différentes soient mises en oeuvre la manifestation trouve son excellence dans l’adéquation entre les lieux patrimoniaux et les oeuvres contemporaines qui se manifeste par un accrochage d’une grande rigueur. Nous attendons la seconde manifestation avec impatience.

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