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Peintures de Stefan Sehler

l illusion végétale

Stefan Selher est un peintre allemand né en 1958. La galerie Baumet-Sultana présente à l’occasion de Show Off quelques unes de ses oeuvres. La thématique qui inspire celles-ci est quasi unique, ce sont des paysages végétaux qui donnent l’impression d’avoir été photographiés en gros-plans, puis, sous forme de tirages papiers, travaillés à la peinture. L’étrangeté de cela, c’est que ce n’en est pas le cas, ce sont des peintures. Tout l’art de S.Selher repose sur cette illusion, se déploie à partir de cette impression en trompe-l’oeil ou la peinture est mise en scène comme photographique.

La réalisation des oeuvres commence par des dessins qui, agrandis, seront autant de patrons pour le travail de peinture. Ils sont ensuite découpés et disposés sur de grandes plaques de plexiglas, elles-mêmes posées horizontalement sur le sol, qui sont alors peintes à l’acrylique, à l’émail et à l’huile. Si le point de départ de ce travail est toujours d’ordre figuratif - des motifs floraux et végétaux précisément dessinés, très évocateurs - la technique de peinture employée tend à la fois à les figer et à s’en éloigner, sous l’effet du recours à une abstraction expressionniste, lors de la figuration des micro-détails et de l’émergence de la masse des couleurs et de leur mobilité. Le peintre joue des effets hasardeux de projection et d’écoulement des couleurs au niveau de la surface de la plaque de plexiglas. De la sorte, un contraste très fortement marqué apparaît dans ces peintures entre l’aspect global, presque parfaitement figé en une sorte de noir et blanc photographique naturaliste, dominant, et l’aspect de détail, lui d’abord inapparent. En celui-ci émerge au contraire une profusion de couleurs et de mouvements de matière, aléatoires, irréels et livrés à un fourmillement formel qui fait disparaître les contours des choses représentées.

Il y a là un jeu délibéré du proche et du lointain qui révèle la double nature paradoxale de la composition. Celle-ci vient mettre en doute la perception photographique réaliste du monde ; elle n’est qu’une fabrication, une illusion. Par un simple effet de retournement l’abstraction expressive se révèle comme la clef de la représentation du monde naturel et de sa figuration. Et si certains peintres contemporains travaillent sur le « flouté » des images, ici c’est l’inverse qui se produit. Le flou du réel, la profusion dispersée des couleurs et des formes, donnerait lieu à la possibilité picturale, au surgissement du contour détaillé des choses. Un entrelacs de choses-formes et de couleurs, doté d’une vie propre sous-jacente serait la cause de l’unité identifiable du représenté en son immobilité. Mais comment peut-on saisir cela ? Le plexiglas, au départ transparent, aurait dû laisser les images qu’il supporte sans fond, comme traversées par la matière des choses, semblables à des films de négatif argentique. Le peintre aura dû retenir celles-ci par quelque support supplémentaire, par la retenue d’une toile. Il en a fait des tableaux, encadrés de blanc, sertis sur un fond dense de lumière blanche, épaisse, brillante et lunaire à la fois. C’est une lumière projetée, de derrière, diffuse et vive comme celles de projecteurs, parfois tachée d’ombres, pareille à la luminosité de la brume, vive et voilée. Cette surface, réalisée au moyen de vaporisateurs de peinture, projetant de la couleur blanche, vient créer l’impression d’un tissu, d’une toile glacée qui serait le support de l’image, ayant interrompu la transparence du plexiglas. Illusion ici encore, celle d’un film-papier, artifice d’une membrane retenant l’image comme un sol et permettant donc l’apparence d’un relief et d’une profondeur pour le regard.

Artificiel et naturel se contaminent donc dans cette peinture contemplative à la fois calcinée et figée, tout autant animée et mouvante, solaire et spectrale. Le détail détaché, stylisé, y est la raison d’être du global, l’ornement la clef du naturel. Le factice y est la raison d’être du réel. C’est une peinture à la fois crépusculaire et matinale qui mélange l’ombre et la lumière, la noirceur scintillante et les couleurs mouvantes. C’est pourquoi on dira d’elle, qu’elle est de nature baroque, qu’elle montre indistinctes, dans l’image des choses, l’extrême illusion et l’extrême réalité. Un baroque d’aujourd’hui qui apparente les visions tenaces de l’hyper éveil aux figures matérielles du regard.

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++INFO++
  • Galerie Baumet Sultana
20 rue Saint Claude 75003 Paris www.galeriebaumetsultana.com

Article écrit en collboration pour Show Off : Galerie Baumet Sultana, Paris, France

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