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Jean Charles Pigeau, les forces méditatives de la sculpture

Une exposition à la Verrière Hermès de Bruxelles 12 septembre-22 octobre 2011

Ak-A-DE
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Pour le week end d’ouverture des galeries de cette nouvelle saison d’art contemporain à Bruxelles la Verrière Hermès accueille une installation de Jean-Charles Pigeau au titre mystérieux d’ AK-A-De, elle est l’aboutissement de son long dialogue avec les cultures pré-hispaniques.

Voir en ligne : www.jcpigeau.fr/

La fondation d’entreprise Hermès, un exemple de mécénat

Créée en 2008 la Fondation d’Entreprise Hermès soutient la création par l’accueil d’artistes en résidence ainsi que l’organisation d’expositions dans différents lieux au niveau international. On peut suivre leur action à travers La Gallery at Hermès à New York, Third Floor à Singapour, le Forum à Tokyo et l’Atelier Hermès à Séoul. Pour l’Europe deux lieux principaux accueillent des expositions de prestige TH 13 est situé à Berne en Suisse et la Verrière Hermès est un des lieux importants de l’art contemporain à Bruxelles. Inaugurée en 2000 elle fut le premier de tous ces lieux qui témoignent de l’importante activité de mécénat de la maison, sa direction artistique est assurée depuis sa création par Alice Morgaine. Titulaire d’un master de philosophie de l’Université de Montréal, longtemps journaliste pour "France soir" et "L’Express"Alice Morgaine fut la rédactrice en chef du "Jardin des modes" de 1980 à l’arrêt de sa parution en 1997. En 2002 Jean Luc Monterosso lui confia la responsabilité aux côtés d’isabelle Bourgeois et Elvan Zabunyan de la programmation du Mois de la Photo à Paris.On peut aussi la retrouver régulièrement dans différentes initiatives de soutien au design

Pour le white cube de la Verrière Alice Morgaine a privilégié dans ce lieu d’un grand dépouillement, des travaux souvent intimistes proches d’une abstraction contemporaine où sculpture et installation dominent. Elle a su mélanger lors des quatre expositions présentées annuellement des artistes très reconnus comme Daniel Buren, Roman Opalka, Anne et Patrick Poirier, Jean-Michel Alberola, ou Yann Kersalé et de jeunes artistes juste sortis des écoles d’art à qui elle a donné souvent leur première vraie chance. On a découvert ainsi grâce à sa programmation Sora Kim sortie de l’ENSBA de Paris mêlant sculpture et vidéo ou Charlotte Charbonnel diplômée des Arts Décoratifs dont l’installation "Vibrato con sordino" transformait l’espace en un immense instrument silencieux.

L’an dernier l’Idéal Circus de Claude Lévêque opposait l’élégante maquette d’un cirque miniature que le spectateur ne pouvait apercevoir que d’en dessous s’opposant à une affiche représentant un clown dont les yeux étaient percés d’une lame de couteau. Dans le même esprit chaque artiste invité a dans un long dialogue avec la directrice artistique produit une pièce spécifiquement adaptée au lieu qui est redevenu ensuite sa propriété.

Jean Charles Pigeau une oeuvre antimondialiste

Le marché de l’art contemporain favorise une production mondiale qui s’uniformise comme en témoigne les oeuvres de certains artistes chinois qui ont assimilé très vite les attentes des prescripteurs critiques et institutionnels. Un artiste comme Jean-Charles Pigeau représente l’exact contraire de ces faiseurs dans la mesure où il inverse le flux des influences . Fasciné par différentes cultures de civilisations anciennes qui privilégient les liens spirituels entre l’homme et la nature ses oeuvres entrent avec elles en dialogue intime . Son travail de sculpteur est le moyen pour renouer des liens physiques entre la terre et le ciel. Dans cette visée ambitieuse les éléments tels la pluie ou les vents sont des partenaires qu’il sollicite par différentes pratiques. Le caractère primitif de la camera obscura lui permet ainsi de produire des photographies au sténopé qu’il expose généralement sous leur aspect original de négatifs. La nature de ces images qui fonctionnent comme des empreintes, leur temps long de réalisation qui lui permet d’intituler certaines images "captures de vent", tout en elles accompagne en creux le processus d’élaboration des sculptures

La sculpture espace de méditation

En quête de ces civilisations notamment pré-hispaniques, de leur esprit et de leurs productions quand il ne peut voyager il faut imaginer Jean-Charles Pigeau déjouer pendant des mois l’attention des gardiens du Musée Guimet pour photographier dans le jardin au moyen d’une de ses boites percée d’un sténopé en guise d’objectif la main d’un bouddha dont le geste le fascine. Il faut l’entendre aussi raconter comment de retour au Mexique on lui présente un fruit dont la forme l’intrigue, il goûte ces cédrats avant que son hôte lui révèle que dans ce pays ces fruits s’appellent des mains de Bouddha. L’envie lui vient alors de mouler un spécimen afin d’en réaliser une copie en bronze. Dans ce passage d’art le négatif photographique trouve sa voie non seulement vers son positif , mais aussi dans la transition de l’aplat du tirage à la troisième dimension d’une sculpture.

La rencontre de deux projets

Laurent Chabres en dehors de sa production de fruits et légumes consacre une grande partie de son temps et de son argent à l’amélioration des conditions de vie de ses concitoyens malades. Ayant rencontré Jean-Charles Pigeau il lui a passé commande d’un lieu de recueillement pour son Hacienda de San José. Cette cellule de méditation, l’Oratoire a été réalisée à Baca au Yucatan en 2009. Le sculpteur en a conçu la structure extérieure en prenant un relevé volumétrique à 360° d’une statue du Bouddha. La partie interne de l’édifice est quant à elle constituée d’une même empreinte en creux de la statue divine. Décorée à la feuille d’or elle est surmontée d’un puits de lumière, tandis qu’à sa base un miroir circulaire d’acier transmet toutes les variations de la lumière céleste.

Dans l’ensemble de l’oeuvre les formes circulaires sont toujours de féminins réceptacles, elles sont le plus souvent en contact avec le sol, avec la terre. On peut y opposer le javelot comme principe masculin, sa forme élancée le relie au ciel. Prochaine étape la réalisation du projet "Pluie céleste" conçu après la visite du temple Sanjusangendo prévoit d’installer mille javelots de 2,70 m se déployant sur 3 m de largeur et sur 120 mètres de long respectant les dimensions de l’édifice.

Une oeuvre à taille humaine

Si beaucoup des sculptures de l’artiste sont d’abord prévues in situ dans la rencontre d’une figure et d’un site, si elles aiment à se multiplier temporairement comme les Conques installées au centre Jean Marie Tjibaou de Nouméa en 2002 elles gardent toujours le respect de l’échelle humaine. Bien plus chaque grand projet installé de façon pérenne est doublé, en amont ou en aval de sa production, d’une version transportable. Cela suppose une adaptation de sa taille et souvent des matériaux la composant. C’est le cas de la coupelle "Cratère", réalisée en biscuit de porcelaine tendre, à l’intérieur doré à l’or pur 24 carats produite par la Cité de la céramique à Sèvres. Elle reprend la coupe du célèbre volcan du Popocatépeltl.

Ainsi dans ce jeu d’itinérance programmatique l’éphémère se conjugue à l’in situ selon une logique que résume le titre d’ une de ses pièces "Cosmogonie portative"

La re-création du site

Dans cette logique la pièce principale présentée à Bruxelles est composée d’une structure en bois , démontable, qui accueille ici la forme interne du bouddha, elle est prolongée par un double banc pour que l’ensemble puisse devenir cellule individuelle de méditation. Le ciel bruxellois qui se reflète dans la coupelle d’acier miroir est strié par les composantes métalliques de la Verrière. Sur l’un des murs trois citrons moulés à la feuille d’or fonctionnent comme une émanation du dieu. installés à leur côté trois oeuvres sur papier fonctionnent comme une ébauche de paysage. En s’approchant on s’aperçoit qu’au centre un sténopé représente une cascade, celle de Nachi no taki au Japon tandis que deux fusains latéraux, sur Ingres de même dimension, apportent une stylisation de leur mouvement. Celui de gauche représente la chevelure de Miss UU de Beijing quand l’autre rejoue graphiquement le mouvement de l’eau. Ce paysage mental fait entrer en dialogue les cultures pré-hispaniques et celles de l’extrême-orient dans la ré-appropriation d’une autre forme de mondialisation, où l’oeuvre nous encourage à une forme inédite de méditation.

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++INFO++

La Verrière, Bruxelles (Belgique),

12 septembre – 22 octobre 2011 50, boulevard de Waterloo, 1000 Bruxelles

(du lundi au samedi, 11 h-18 h, entrée libre)

www.fondationdentreprisehermes.org

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