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"Identification" Antea Arizanovic /Galerie Isabelle Gounod

Transition et quête d’identité dans l’imaginaire d’Antea Arizanovic

Membre de la plus jeune génération d’artistes slovènes, Antea Arizanovic nous invite à questionner les facteurs qui modèlent l’identité féminine et qui en sous-tendent la perception, au travers d’un étonnant travail photographique, présenté pour la première fois au public français, dans le bel espace de la Galerie Isabelle Gounod : « Identification » du 5 octobre au 10 novembre 2007. Plaçant la psychologie des relations humaines, au centre de ses réalisations, Antea attache aussi un intérêt tout particulier, à soulever les effets d’une période de transition sur l’individu, impliqués par les aspects d’une société tout récemment entrée en Europe.

En résidence à la Cité Internationale des arts à Paris, durant cette année 2007, Antea Arizanovic, jeune artiste de 28 ans, a opté depuis ses débuts dans sa recherche plastique, pour une approche explicite du postmodernisme. Au travers de registres d’expressions très différents tels que la peinture, la photographie, les collages ou encore la performance, elle nous entraîne d’emblée, dans cet enjeu qui l’habite, de mettre à nu, d’une part, les codes trop étroits de la société patriarcale, de questionner l’identité et la discrimination sexuelle. Et d’autre part, de dénoncer l’individu, lui-même, comme objet manipulé par la société de consommation, d’exploiter le paradoxe entre le contexte politique d’une Europe élargie et celui d’une société traditionnelle. « 

Je m’interroge sur le statut de la femme aujourd’hui, dans notre société de consommation. A une époque de soi-disant égalité des sexes selon la loi, il semble que nous sommes sur le chemin d’une certaine égalité. Mais cela signifie-t-il pour autant que les conditions de vie s’améliorent…ou se dégradent ? Mon travail, a pour but de questionner, franchement et directement, la position, les aspects et les aspirations des femmes dans la société. Sont-elles autant respectées et aimées qu’avant ?

 » Axé sur la représentation du corps, le travail d’Antea met en évidence l’image de la « femme-objet », par l’utilisation excessive, de références évidentes, de stéréotypes. Cela témoigne de la nécessité d’une prise de position face aux conventions sournoisement déguisées par notre culture en une attitude de valeur morale.

A l’entrée de l’exposition, face à nous, nous découvrons, la série Bunny . S’impose alors à nous, les photographies d’une femme âgée, au visage ridé et à la silhouette mince, habillée en Bunny Playboy, qui pose à l’intérieur d’une loge de théâtre. Son costume d’un rouge éclatant envahit l’image. Son regard nous fixe sans aucune pudeur. Au premier abord, ce personnage nous trouble et nous fascine à la fois. Assumons nous alors la vision de cette femme âgée, transformée en objet de désir ? Sommes nous prêt à affronter la réalité de ce corps vieillissant ? En mettant à mal les canons de beauté de notre époque, Antea dénonce les stéréotypes imposés et tente d’instaurer de nouveaux codes de représentations. Ici, ce n’est pas la femme qui est malmenée, mais l’icône de la beauté et de la séduction, emprise dans notre société de consommation.

Dans une autre série photographique, The Beaten Bride , Antea se met elle-même en scène, en jeune mariée. Sur le visage, elle porte une ecchymose, maquillée très grossièrement. Antea s’explique : «  En montrant mon propre visage abîmé par les coups, au centre de l’image, je voulais souligner l’assujettissement, la passivité et l’endurance de la femme dans une société patriarcale. Avant le mariage, la femme appartient à son père, puis devient la propriété de son mari. La femme se doit d’être obéissante et discrète, et la maltraitance est une punition pour tout acte de désobéissance.  » C’est dans un univers emprunt au film Good By Lenine, que nous découvrons le visage d’Antea en plan rapproché, puis la prise de vue s’éloigne de plus en plus, jusqu’à laisser apparaître sur l’avant-dernière image, la vision d’une mariée paradoxale, portant un jean sous sa robe. Paradoxe extrême, entre le symbole d’une société traditionnelle et celui d’un pays tout récemment entré en Europe en 2003, et qui a soif d’émancipation. Cette série est aussi déclinée sur des petits coussins de soie brodés de dentelle, en référence à la seule possibilité de création qu’on a attribué aux femmes, dans le passé.

Antea ne cesse d’explorer les ambiguïtés et situe la polémique entourant, la notion de « disponibilité » d’une femme, et pose enfin la problématique de la relation entre la communication et le désir. «  De quelle façon la sexualité et l’érotisme sont-ils exploités aujourd’hui ? L’homme est-il consommateur ou objet de consommation ?  » Dans la série Glamorous Eves , Antea se représente en jeune femme blonde et pulpeuse, incarnant tour à tour, deux icônes du XXe siècle, Marilyn Monroe et Madonna, sur le modèle d’une affiche publicitaire, sur laquelle est inscrit « Be my sponzor ».Un slogan qui s’articule sur le mode séduction - domination et/ ou soumission face au « voyeur ». «  … ce slogan montre ma position en tant que femme et jeune artiste. Il démontre à quel point il est difficile de survivre en tant qu’artiste. Nous appelons aussi les filles qui sont avec des hommes pour de l’argent, « des filles sponzor ». Nous pouvons appeler ça volontairement de la prostitution. Alors, ce travail montre la position des femmes dans la société aussi bien qu’il parle du système de l’art.  »

Esthétiquement, sa dernière série Walk in a circle , nous séduit immédiatement. On y ressent même une certaine sérénité, un tournant dans sa démarche artistique. Une femme nue repliée sur elle-même, enfermée dans un rectangle en verre est au centre de l’image. Pourtant, Antea m’explique alors, que c’est juste la position et la formulation du corps qui rentre en compte dans ce travail, que le fait que ce corps soit celui d’une femme est sans importance. Il s’agit ici d’évoquer la notion du repli sur soi-même, l’enfermement exercé sur l’humain, par les maladies psychologiques, les troubles identitaires qui frappent de plus en plus d’individus dans la société actuelle. «  Ces maladies sont présentes, chaque jour de plus en plus, dans ce monde qui nous entoure, et cela m’effraient beaucoup. Je le vois comme le nouveau problème identitaire de beaucoup de personnes. Alors, j’essaye de le mettre en image, et d’en parler fort.  » Antea explore ainsi une nouvelle perspective dans son travail artistique. Elle nous fait repenser cette question d’identité sur un ton moins ironique, que celle travaillée auparavant, en explorant le corps dans toute sa gravité, avec une vérité nue.

Exposition"Identification" 5 octobre - 10 novembre 2007 Galerie Isabelle Gounod 4, rue Fessart. 92100 Boulogne-Billancourt M° Boulogne Jean-Jaurès Horaires : du mardi au samedi /12h-19h Contacts : T. 01 46 05 14 10 contact@galerie-gounod.fr Site : www.galerie-gounod.com Site de l’artiste : www.anteaarizanovic.com

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