Exposition Galerie Thessa Hérold, Paris
Voir en ligne : http://g.morawetz.free.fr/
Dans ses mises en scène elle fait preuve d’un grand sens des rapports chorégraphiques que les corps peuvent entretenir entre eux ou dans leurs diverses liaisons à l’espace. Pour mieux appréhender et reproduire les mouvements des danseurs, Rudolf von Laban a défini l’espace immédiat de son action, sans mouvement, mais membres tendus, comme sa kinésphère. Gabriela Morawetz en donne une version à la fois psychologique et plastique. Une série comme « Egosphère » en est l’adaptation directe. Le mouvement nait de l’élégance avec laquelle les corps échappent à des fouillis d’objets du quotidien pour se donner indépendance et surplus de légèreté.
La forme circulaire qu’elle emprunte se retrouve dans plusieurs séries évoquant la loupe, la lentille du scrutateur, mais aussi la forme pleine de la cellule vivante. Pour cette artiste si le visuel prend sa source dans un univers nocturne proche du rêve il n’est jamais quitte du charnel, d’une expression proprement féminine d’un corps assumé dans toutes ses fonctions vitales et désirantes. Même ses « sleeping beauties » prises dans les rais du sommeil , ou dans les pièges d’espaces presque envahis d’ombre ( série « almost in the dark ») se donnent l’énergie d’un saut vital.
Si le livre revendique cette ambition de « ne faire qu’un » cela doit d’abord être entendu comme une exigence identitaire dont les artistes femmes ressentent plus violemment l’urgence. Cela peut se comprendre aussi dans un idéal du désir, dans une visée amoureuse où l’espace protégé de l’œuvre est aussi celui du possible de la rencontre. Parmi les différents prestigieux contributeurs au livre Anne Tronche insiste sur cette qualité de présence : « D’où le sentiment que de ce visible en partie altéré, émerge l’insaisissable présence d’une existence se tenant au delà des apparences. »
La quête d’unité de l’être, par delà les contingences matérielles comme les contraintes sociales, est facilitée par l’affirmation joyeuse et pour tout dire nietzschéenne d’un corps qui trouve son autonomie dans l’exercice d’une danse. La même visée chorégraphique s’exprime dans la matérialité de ses œuvres.
Si Roland Barthes critiquait violemment une certaine image qu’il qualifiait d’unaire, ce n’est jamais un défaut que l’on peut ressentir face aux oeuvres de l’artiste. Le fait qu’elle utilise différents tirages pigmentaires sur des papiers d’une belle matière comme les Hahnemuhle contribue à cette impression de présence d’une image complexe. Dans ses installations l’adjonction de miroirs sans tain, de voiles ou de plexiglass contribue plus encore au sentiment de profondeur où le regard du spectateur se cherche sans crainte de se perdre.
Dans certaines oeuvres plus sculpturales encore elle matérialise même des faisceaux de regards par des fils de soie qui créent un espace d’interaction des corps représentés, une sorte de projection de leur scène. Pour donner ce sentiment d’un mouvement qui arrachera les corps à leur immobilité inhérente à l’acte photographique, elle n’hésite pas à utiliser des polyptyques qui en se détachant du plan du mur nous invitent à la rencontre de ses interprètes dans le temps du feuilletage de leurs pages transparentes. Même un simple diptyque comme Espace 1 Espace 2 simule dans ses scènes intérieures le pas de deux , la révérence. Là où trop souvent la prise photo génère un gel mortifère Gabriela Morawetz convoque dans la profondeur de ses images une danse de tout l’être qui se situe dans la lignée des Loïe Fuller et des Marta Graham. La sensualité de ces corps qu’elle chorégraphie nous incite à entrer dans l’élan vital de leur ronde.
G A B R I E L A M O R A W E T Z "Ne faire qu’un" Photographies – Installations – Vidéos Galerie Thessa Hérold
EXPOSITION JUSQU’AU 23 DÉCEMBRE 2011
"Ne faire qu’un" les éditions Area Descartes & Cie ont édité une monographie de l’œuvre de Gabriela Morawetz de 1995 à 2011, un livre d’Alin Avila 30 euros
ISBN 9 782844 462015