Accueil du site > Précipités > Chroniques > Everyday(s) au Casino Luxembourg

Everyday(s) au Casino Luxembourg

Le quotidien réinterprété et déconstruit par 18 artistes au Casino Luxembourg Forum d’art contemporain

Eulalia Valldosera
Eulalia Valldosera
Comme le titre de l’exposition l’indique le thème du quotidien est posé par rapport à une temporalité qui oppose répétition et changement, adaptation et réaction dans les représentations et les actions de tous les jours. Face à l’attitude passive que nous avons principalement par rapport à notre quotidien, les artistes nous rappelent à travers leurs œuvres singulières qu’une attitude active permet de pointer les tensions entre personnel et public tout en déconstruisant et en décontextualisant le réel.

Voir en ligne : www.casino-luxembourg.lu/

L’espace central à l’entrée de l’exposition est occupé par l’installation Kitchen, la cuisine transportable, de Christine Dupuis&Thorsten Baiensch, une installation interactive qui convie le public à partager ce qui dans notre quotidien a une place vitale, le repas.

A cette œuvre conviviale répond l’amusante vidéo Acciones en casa du duo d’artistes David Bestué&Marc Vives par un montage de situations quotidiennes décalées, d’actions domestiques et autres occupations quotidiennes tournées en dérision. En faisant ici et là un clin d’œil à d’autres œuvres artistiques qui se réfèrent au quotidien comme Semiotics of the kitchen de Martha Rosler ou dans un autre genre le Lauf der Dinge de Fischli&Weiss pour ne citer que ces deux , la vidéo de Bestué et Vives regorge de scènes absurdes.

Avec Billy Montana de Virginie Yassef le renvoi à l’art minimaliste et aux interrelations du design et du quotidien, par rapport à un objet le plus commercialisé dans le monde, prend une dimension décalée. En détournant sa fonction de bibliothèque en sculpture superposant une surabondance de planches dans toutes les nuances de couleurs de la gamme des grapheurs, Yassef dénonce l’impact de consommation sur l’organisation de notre quotidien.

A chacun son quotidien nous dit l’œuvre de Paula Müller qui a investi un « white cube » avec des dessins qui sont nés spontanément au jour le jour. Les fresques murales sur lesquelles s’appliquent des toiles et des cadres de différents formats expriment les tensions entre extérieurs et intérieurs, entre enfermement et liberté, entre détail et vue d’ensemble, entre structure cadrée et champ explosif. L’oeuvre in situ de Paula Müller, qui s’inscrit dans le passage du parcours d’exposition, trace les voies sinueuses d’une échappatoire que chaque spectateur renouvelle à travers son interprétation personnelle.

Si l’interactivité du spectateur confronté à sa propre quotidienneté est au centre de cette exposition, les dispositifs artistiques qui la mettent en valeur sont très variés d’œuvre en œuvre. L’installation du Japonais Takahiro Iwasaki crée des correspondances poétiques entre objets quotidiens et interventions sculpturales subtiles que le spectateur découvre progressivement sans pour autant participer physiquement.

En revanche l’œuvre El periodo d’Eulàlia Valldosera, remarquée à la Biennale de Lyon en 2009, associe le visiteur à la création de l’œuvre qui se transforme par le geste de celui-ci. Un landau sur des rails, référence au cinéma, devant des verres au liquide rouge sur des tables de bistrots, peut être activé de sorte à projeter des ombres sur le mur. L’installation traduit ainsi la temporalité du quotidien en opposant cycle biologique de la femme et stéréotypes machistes. La projection murale devient alors un nouvel espace qui donne raison à l’imagination au-delà des rapports de force issus du réel. En faisant réinterpréter des scènes du quotidien avec des dialogues particulièrement stéréotypées l’artiste multimédia Valérie Mréjen présente plusieurs vidéos où elle joue sur la décontextualisation des situations quotidiennes.

Dans Home (1996) vidéo d’ Andrijana Stojkovic, qui commence par des gros plans sur les gestes d’un vieux couple dans une cuisine, la déconstruction d’une situation est subtilement exprimée par le cadrage et le zoom arrière à la fin qui révèle que le couple se trouve dans un petit espace privatisé dans un gymnase de réfugiés. Depuis les années 80 la représentation du quotidien a été très suivie par une génération de plasticiens utilisant la photographie comme déconstruction des genres classiques. Le portrait revisité comme nous l’a montré Thomas Ruff participe de cette temporalité typologique que la série photographique permet de fixer.

Les portraits diptyques en cibachrome de Christian Mosar révèlent des moments qui renvoient à une situation avant la prise de vue, qui serait comme la matérialisation de l’attente qui précède toute photographie de portrait. Elles sont évidemment aussi des constats de fragments d’une réalité que celle-ci soit mise en scène pour la photographie ou non. A l’opposé de cette démarche plus psychologique du portrait, Jiri Thyn excelle dans ces captations de gestes insolites fragmentaires qui rappellent les one minute sculptures de Wurm.

Dans la Gloire de mon père, Bruno Baltzer utilise la caméra pour renouer le contact avec son père atteint de la maladie d’Alzheimer en réalisant une série de seize photographies qui le montre dans sa piscine avant le remplissage annuel de l’eau.. Pendant seize jours en juin 2009, l’artiste demande à son père de poser à la même heure et au même endroit dans la piscine, qui au fil du temps se remplit d’eau.

Ce travail qui construit un dispositif ritualisé fortement symbolique et autobiographique documente les traces d’une relation père - fils difficile tout en abordant le thème de la disparition et de la mémoire. A la fin de l’exposition le spectateur est confronté une dernière fois avec sa propre image à travers l’installation interactive The Mirror : the cyberportrait of Dorian Gray, qui transforme ce geste quotidien de se regarder dans la glace en inquiétante représentation de sa propre image constamment en mutation.

Les artistes de la délicieuse exposition Everyday(s) nous incitent donc à affronter le réel en changeant de perspective comme le suggère le Prozac Garden de Pier Stockholm, à déconstruire les codes mais aussi à réinventer notre quotidien en s’évadant avec Cao Fei en devenant COSplayers pour échapper à la monotonie. Vive l’art au quotidien !

haut de page
++INFO++

Commissaires : Fabienne Bernardini et An Schiltz

Du 30 janvier jusqu’au 11 avril 2010

Partenariat

Cliquez visitez

JPG - 14.5 ko
Valérie Belin
JPG - 16.3 ko
Barbara Navi GALERIE VALERIE DELAUNAY
JPG - 10.8 ko
D’après maquettes Manuella Editions
JPG - 7.4 ko
Myriam Mechita

www.lacritique.org - Revue de critique d'art
Plan du site | Espace privé | SPIP