Des visages sans visages
Après avoir quitté le Japon, profondément marquée par la place qui y réservée aux femmes, Kimiko Yoshida s’installe en France dès 1995, où elle se concentre sur des séries d’autoportraits qui étudient les relations entre sa culture d’origine et les cultures auxquelles elle ne cesse de s’exposer. Elle se considère comme une réfugiée usant du masque, comme moyen de survie et médium pour s’intégrer aux différentes cultures, se forgeant de multiples identités à partir de celle qui transparaît et disparaît derrière les masques. Elle réalise, pour cela, des photos de « mariées célibataires » où se défait mais à l’envers, la hantise de la petite fille horrifiée qui découvrit la servitude ancestrale du mariage arrangé et le destin humilié des femmes japonaises.
( Kimiko Yoshida,
, Actes-Sud, 2003)
Ses photographies laissent apparaître ou disparaître son visage, déguisé et maquillé. Ses travestissements se nourrissent de souvenirs, de légendes, de rêves, de fantasmes... Sa quête d’hybridation des cultures et de transformation de l’être la conduit à des métamorphoses multiples, dans des univers inventés, propices à une déconstruction personnelle systématique. «
dit-elle
Kimiko Yoshida nous explique que
On le sait, Kimiko Yoshida ne réalise que
des autoportraits, et pourtant, on peut être surpris de voir à quel point ils ne se ressemblent pas. L’autre particularité est que ces visages tendent à disparaître dans la couleur monochrome du fond. Nous sommes alors tentés de s’interroger : mais qui est au fond, réellement, cette jeune femme « Qu’est ce que cherche à montrer l’orientation monochrome de ses autoportraits » Pourquoi se cache t-elle derrière son propre masque « Mais d’où vient-elle vraiment » Du Japon évidemment, mais aussi de Chine, de Perse, du Cameroun, d’Egypte, du Yémen, du Kenya, etc. « Derrière ce visage, d’autres visages ». Apparaît alors une femme, puis une femme, puis une autre...Nous voici tour à tour, devant une déesse noire, une guerrière amazone, une prêtresse aztèque... Le rituel d’effacement de soi est alors enclenché. L’infini des visages de Kimiko se fond dans l’infini de la couleur.
En utilisant la monochromie, la figure singulière « l’autoportrait » s’évanouit pour donner voix à un universel. Dans la profondeur de la couleur, la possibilité de l’apparition et de la révélation se substitue à la disparition et à l’effacement.
En réalité, ce qui constitue « le moi » n’est autre que des identifications multiples et imaginaires. L’imaginaire crée l’humain. Et Kimiko veut nous montrer au travers de ses images, que ce qui l’intéresse, c’est tout, sauf le narcissisme, c’est tout sauf son histoire. C’est avant toute chose prétendre à l’universalité.
Au final, en affirmant le droit absolu à disparaître dans l’effacement et la métamorphose de soi, au travers d’identités successives et simultanées, Kimiko Yoshida élève avant tout l’art à l’expérience de la transformation :
. L’art devient alors un espace de retournement, de libre résonnance, de métamorphose. Ses autoportraits sont seulement, selon elle
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