« Dans l’épaisseur du paysage », un livre de Thierry Girard et Yannick Le Marec

La genèse de cette correspondance remonte à Nantes en juin 2001 lorsque Thierry Girard anime une table ronde lors d’une journée d’étude consacrée à « L’invention de l’estuaire », et à la demande d’amitié sur Facebook de Yannick Le Marec en 2015.

S’ensuit un échange assidu qui durera deux ans (septembre 2015-juillet 2017). Il donne dès son début aux deux auteurs l’idée d’un ouvrage dont Éric Cez, l’éditeur, accepte avec enthousiasme de publier le contenu.

Deux petits cahiers couleurs reproduits au début et à la fin de l’opus reproduisent 32 paysages et portraits de Thierry Girard, réalisées en France mais aussi en Chine, au Japon. A la fin du livre, pourra se reporter à la conséquente bibliographie des deux auteurs. Thierry Girard comme il le confie à de nombreuses reprises accorde beaucoup d’importance depuis un demi-siècle à l’objet livre pour restituer son travail…

Il nous livre notamment cette si juste définition du portrait : « Un portrait, c’est un échange instantané qui nécessite un peu de tension et d’inquiétude réciproques (un ̎ quickie ̎ comme on disait autrefois pour désigner un acte sexuel rapide). »

Sa pratique de la photographie, qui relève toutefois surtout du paysage documentaire, est aussi un travail de mémoire : il a ainsi sillonné plusieurs régions françaises sur les traces – souvent totalement estompées par le temps - des guerres de 1870, de la Première et Seconde Guerres mondiales.

Il est souvent fait référence dans les pages de ce petit livre à l’importance du « punctum » barthésien dans l’éditing des images, et à la nécessaire mise en retrait (absente par exemple du travail de Yan Morvan) souvent teintée d’ironie (sans verser toutefois dans l’excès d’un Martin Parr !) de l’opérateur : « L’ironie est une des épaisseurs de l’image, elle ne nécessite pas d’être redondée par le texte » (Thierry Girard).

A propos du rapport texte / image justement, les deux auteurs échangent beaucoup sur l’importance et le contenu des cartels d’exposition et des textes publiés qui ne doivent jamais être des redites de l’image. Le paysage documentaire serait aussi un paysage poétique et politique, autres caractéristiques de l’« épaisseur du paysage ».

Thierry Girard affirme aussi très justement que « [La photographie] est une expansion infinie du regard et du sens à partir d’une captation éphémère. »

La lecture de ce livre est donc, et cela dès les premières pages, particulièrement stimulante intellectuellement, les deux auteurs étant dotés d’une solide culture photographique, mais aussi artistique, littéraire, philosophique, historique... Tous deux publient d’ailleurs régulièrement leurs réflexions sur le portrait et le paysage documentaire contemporain (ou passé) dans leurs blogs respectifs, souvent cités dans l’ouvrage. A découvrir absolument ou à redécouvrir…