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« aux étoiles le poids de la terre »

photographies de Juliette Agnel, nouvelle d’ Émilie Houssa , Editions Contrejour

« aux étoiles le poids de la terre »
« aux étoiles le poids de la terre »
« aux étoiles le poids de la terre » : ce livre est le fruit d’une résidence d’artiste triennale qui réunit à l’initiative de Territoire rêvé Bretagne la photographe Juliette Agnel et la romancière Émilie Houssa. Dans la France désormais confinée où la nuit le silence et la végétation reprennent leurs droits en lisière des villes, Juliette Agnel a posé son appareil-photo, optant pour des poses longues susceptibles de révéler ce qui est invisible à l’œil nu. Émilie Houssa avec la même délicate lenteur contemplative a elle posé ses mots. Regards nocturnes croisés...

Voir en ligne : https://julietteagnel.com/

« aux étoiles le poids de la terre » : un titre éminemment poétique qui incite à la rêverie. Qui ne s’est jamais abandonné par une nuit sans nuages (ou au contraire nuageuse, alors que la lune d’humeur taquine joue à cache-cache avec eux) à contempler la voûte céleste, fasciné par son immensité, amusé à imaginer des formes et des histoires dans les constellations ?

« Territoire rêvé Bretagne », avec « territoire » le nom du programme ancre d’emblée la démarche photographique de Juliette Agnel dans le documentaire, qui avoue-t-elle l’a toujours attiré et poussée à voyager pendant plus de dix ans, de l’Afrique au Cercle Polaire, en passant par la Corée du sud. Avec « rêvé », le travail s’ancre aussi dans la fiction. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une « fiction documentaire », ce courant actuel si vivace qui mixte deux tendance plastiques qui n’ont rien d’antinomique, au contraire...

Le texte imprimé sur la quatrième de couverture donne le ton résolument poétique de ce catalogue : « La rivière, les champs, les arbres et les étoiles assombrissent les jours, illuminent les nuits. Yves arpente ces pays imaginaires en cherchant à ancrer les nuages sous les cailloux pour donner aux étoiles le poids de la terre. »

La nouvelle réunie dans un folio bleu-vert à la fin de l’ouvrage met en scène Yves, un homme qui collectionne les nuages « qui racontent » la nuit. Pour retenir leurs formes fugaces (et la romancière a placé en exergue cette phrase de Walter Benjamin : « Rien ne demeure inchangé, sinon les nuages »), il les peint. D’abord sur les murs de sa chambre, puis ceux d’une grange, ensuite d’une chapelle... On songe évidemment à la série « Equivalents » (Équivalences) d’Alfred Stieglitz, ces photographies de nuages en noir et blanc certes diurnes en revanche, réalisées dans les années 1920. Grâce aux nouvelles émulsions dites « Panchromatiques », commercialisés dès la décennie précédente, il est devenu possible de les figer.

Mais que tente de figer Juliette Agnel ? Certainement pas les nuages, au contraire, son temps de pause est trop long pour les retenir...

A rebours des conventions du style documentaire, elle ne fige rien en fait, mais tente d’enregistrer un battement invisible dans la nuit, ce fondu fluide de l’être et des choses légèrement flouté comme elle l’avait fait avec ses portraits réalisés au sténopé numérique (« Les éblouis »), ou ses paysages montrant des icebergs avec le même procédé (décliné aussi sur le mode de vidéos particulièrement hypnotique montrant, pendant à celui des nuages justement, le lent déplacement des blocs de glace dans la longue nuit polaire).

La sensualité du papier mat du livre rend justice aux grands tirages pigmentaires de l’artiste, tirés toutefois sur un papier un peu plus brillant. On pourra toutefois regretter, une fois n’est pas coutume, le parti pris graphique très discutable de « casser » les images sur des doubles pages. Quand prendra fin cette manie ?

Texte et photographies ne sont jamais redondants. On échappe une fois de plus au rapport illustratif du texte à l’image, et les lieux ne sont que vaguement cités. Chaque travail fonctionne de manière autonome élaborant avec l’autre un subtile dialogue.

Les photographies et les écrits reproduits dans cet ouvrage font l’objet de deux expositions présentées du 19 mars au 5 mai 2021 à la galerie Le Carré d’Art à Chartres de Bretagne et du 14 mai au 24 juillet 2021 à la galerie Confluence à Nantes, partenaires de l’art à l’ouest pour sa deuxième édition.

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