Depuis un certain temps déjà, Andreas Gefeller interroge le réel et ses représentations. Précédemment attaché au paysage urbain (notamment dans Soma, paru aux éditions Hatje Cantz en 2002, qui développait une vision de l’île de la Grande Canarie dévolue aux loisirs, altérée par la nuit et l’éclairage des villes), l’artiste propose avec Supervisions de mettre en jeu la photographie et ses outils de post-production numérique afin d’aiguiser le regard du spectateur.
Les images composées par Andreas Gefeller sont déroutantes, parce qu’elles nous montrent ce que nous ne voyons pas : des vues et des perspectives impossibles, fruits d’une recomposition numérique méticuleuse assemblant des centaines de prises de vue digitales. Concrètement, l’auteur photographie une surface définie, parcelle par parcelle, comme on le ferait du lieu d’un crime parsemé d’indices. Il nomme ce procédé « scannage ». Il reconstitue après coup une image globale, dont l’intégrité spatiale est biaisée par la multiplication des points de vue.
Pourtant si autrefois la multiplication des points de vue était censée nous offrir une meilleure approche de la réalité, voire de la vérité, les objets, ici, bien que pris du réel deviennent peu à peu abstraits ; les ombres s’effacent et participent du même mouvement. Nous sommes alors confrontés à un sentiment d’étrangeté, marqué aussi par le fait que les photographies de Gefeller parlent d’espaces contemporains et de la relation que nous entretenons avec l’environnement urbain.
Les sujets sont en lien avec l’architecture, le bâti mais n’ont rien d’extraordinaire, au contraire : un chantier, des gradins, les pièces d’une maison vue d’en haut, autant de sujets qui, pris par le biais d’une variante de la perspective aérienne, nous offrent des vues qui nous font désormais d’avantage penser aux satellites américains qu’à Nadar.
De telles mises à plat ont la froideur d’un slideshow américain aux Nations Unies et la mise en avant des contradictions du réel est une grande qualité de « Supervisions ».
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